La sécurité énergétique est au cœur du contexte actuelle. La guerre en Ukraine pousse les États à chercher de nouvelles sources d’approvisionnement. De plus, la transition énergétique débouche sur des questions en lien avec une trop grande dépendance aux exportations. Il s’agit alors de repenser la sécurité énergétique.
La sécurité énergétique, un concept ancien
La question n’est pas nouvelle. En 1913, Winston Churchill déclarait que la sécurité énergétique était la diversité des sources d’approvisionnement. Cette année, avec la guerre en Ukraine, cet argument revient sur le devant de la scène.
En effet, à l’échelle européenne, la Russie fournit 11 % du pétrole et 35 % du gaz. Soulignons tout de même que ces chiffres sont minimes par rapport à la Chine. Le pays produit 66 % des modules solaires et 88 % des batteries pour véhicules électriques.
De plus, la guerre en Ukraine suscite une réflexion plus générale sur la sécurité énergétique. Outre la dépendance aux hydrocarbures russe, se pose la question de la dépendance vis-à-vis des importations de technologies par exemple.
Les deux situations, celle de la Chine et de la Russie, sont différentes. En effet, si un pays est coupé de ses sources de pétrole et gaz, il s’arrêtera rapidement. Au contraire, s’il est coupé de ses sources de panneaux solaires, il pourra toujours compter sur ses parcs existants.
Des mesures pour la sécurité énergétique
Certains gouvernements réfléchissent d’ores et déjà aux implications d’une dépendance aux importations de produits de base et de technologies nécessaires à la transition énergétique. L’Administration Biden, par exemple, a annoncé deux mesures pour remédier à ces vulnérabilités.
En effet, le 31 mars, la Maison Blanche a invoqué le Defense Production Act of 1950 (DPA). Biden souhaite ainsi renforcer l’approvisionnement national en matières premières pour les batteries (notamment le lithium, le cobalt ou encore le graphite). Joe Biden commente :
« [Cette mesure fait valoir qu’une] action visant à accroître les capacités de production nationale de ces matières stratégiques et critiques est nécessaire pour éviter une pénurie de ressources industrielles ou d’éléments technologiques critiques qui porterait gravement atteinte à la capacité de défense nationale ».
La flambée des prix des matières premières des batteries, qui fait grimper le coût des véhicules électriques, a mis en évidence ces risques. Avec ce décret, le secrétaire à la défense doit aider à augmenter la production nationale de ces matériaux critiques.
Cette annonce a été saluée par certaines entreprises du secteur des batteries et des véhicules électriques. D’autres attendent des mesures plus importantes afin de garantir l’approvisionnement en matières premières, éventuellement via une aide financière aux producteurs.
Ces mesures prises pour stimuler la production nationale sont soutenues, au Congrès, par les deux partis américains. Il est possible qu’une législation, offrant une aide supplémentaire, soit adoptée cette année.
Instaurer de nouveaux tarifs douaniers ?
La semaine dernière, le ministère américain du commerce a annoncé une nouvelle mesure ayant dans ce sens. Ce dernier a lancé une enquête, en réponse à une pétition d’Auxin Solar, sur les importations de modules solaires.
Contrôler la concurrence déloyale
En effet, l’enquête vise à déterminer si les cellules et modules photovoltaïques contournent les droits antidumping imposés pour mettre fin à la concurrence déloyale chinoise. Rappelons que ces modules en silicium cristallin sont fabriqués, à l’aide de composants chinois, en Malaisie, en Thaïlande, au Vietnam ou au Cambodge. Ainsi, l’enquête pourrait entrainer l’imposition de droits supplémentaires sur les importations en provenance de ces 4 pays.
En 2012, les États-Unis ont imposé pour la première fois des droits supplémentaires sur les importations de cellules solaires en provenance de Chine. Depuis, on a suite à un changement dans la structure des échanges. En effet, les importations en provenance de Chine ont chuté tandis que celles en provenance des 4 pays asiatiques concernés par l’enquête ont explosé.
Certaines sources soulignent que ces taxes pourraient atteindre 250 %. Toutefois, il s’agit du taux le plus élevé qui serait réservé aux entreprises qui ne coopèrent pas lors de l’enquête. De fait, les taxes seront probablement comprises entre 18 % et 27 %.
Une politique accompagnée de risques
L’imposition de nouvelles taxes entraînerait une augmentation significative du coût de l’énergie solaire aux États-Unis. Or, les coûts de l’acier et du polysilicium sont déjà importants. Ainsi, cela aurait également un impact sur les installations solaires aux États-Unis.
La mise en place de telles taxes peut être contreproductive. En effet, si les modules importés deviennent non compétitifs, il sera difficile de répondre à la demande en énergie solaire. Abigail Ross Hopper, présidente de l’Association des industries de l’énergie solaire, déclare :
« L’industrie solaire est encre sous le choc d’une pétition trinitaire similaire qui a fait surface l’année dernière. La simple menace de tarifs douaniers a modifié la trajectoire de croissance de l’industrie et est l’une des raisons pour lesquelles nous prévoyons maintenant une baisse de 19 % des perspectives solaires à court terme ».
Joe Biden est déterminé à développer la base manufacturière américaine dans le domaine des énergies renouvelables. Son administration s’efforce de progresser dans ce secteur.
Cependant, les équipements produits localement sont souvent plus coûteux. De fait, la délocalisation peut réduire les risques dans la chaîne d’approvisionnement mais celle-ci à un coût.
Miser sur la réserve stratégique de pétrole
Aujourd’hui, les États-Unis ne sont plus un grand importateur de pétrole. En effet, ses échanges de pétrole brut et de produits raffinés sont à peu près équilibrés. Ainsi, la nécessité de maintenir une importante réserve stratégique, au même niveau depuis 1990, est remise en question.
L’Administration Biden a trouvé une solution concernant ce pétrole. Elle souhaite en vendre une partie pour alléger la pression sur les prix de l’essence. En effet, elle souhaite mettre sur le marché un million de barils supplémentaires par jour pendant les 6 prochains mois. Joe Biden explique :
« [Ce plan est] un pont de temps de guerre pour augmenter l’offre de pétrole jusqu’à ce que la production [américaine] augmente plus tard cette année ».
Le ministère de l’énergie entend utiliser les recettes des ventes pour reconstituer, dans les années à venir, les réserves américaines de pétrole. En annonçant son plan, le Président Biden a critiqué les compagnies pétrolières. Celles-ci se montrent prudentes quant à l’augmentation de leur production. Il a déclaré :
« Je dis : Assez. Assez de prodiguer des profits excessifs aux investisseurs, de verser des dividendes et de racheter des actions alors que le peuple américain regarde, que le monde regarde. Il est temps d’agir pour le bien de votre pays, pour le bien du monde ; d’investir dans la production immédiate dont nous avons besoin pour répondre à Vladimir Poutine ; de soulager vos clients, pas les investisseurs et les dirigeants ».
Cependant, l’American Petroleum Institue (API) affirme que le plan du président n’est pas une solution à long terme. Frank Macchiarola, un vice-président senior de l’API,explique qu’il faudrait se concentrer sur la promotion de politiques permettant d’éviter de telles crises. De fait, il prône une augmentation de la production nationale.