Réparer des éoliennes grâce à l’analyse des données, l’automatisation et la maintenance prédictive, c’est ce que promet l’intelligence artificielle, qui pourra aider les exploitants d’éoliennes à gérer les coûts.
Les réparations imprévues des éoliennes peuvent s’avérer un exercice coûteux. (Crédit : Orsted)
Les coûts d’exploitation et de maintenance (O&M) ont toujours représenté une lourde charge pour les exploitants de turbines. Si l’on tient compte des réparations et des pièces de rechange, ainsi que des visites d’entretien, des assurances et autres, cela représente une part importante – environ 30% – du prix annuel total de l’éolienne.
L’un des principaux aspects des dépenses d’exploitation et d’entretien concerne les réparations et les corrections non planifiées. Selon une étude de Wood Mackenzie Power and Renewables, les coûts d’exploitation et d’entretien à terre atteindront 15 milliards de dollars en 2019, dont 57% (8,5 milliards de dollars) sont liés à des défaillances de composants.
Réparer des éoliennes suite à des défaillances imprévues des turbines, peut s’avérer très coûteux pour les opérateurs
Daniel Liu, analyste chez Wood Mackenzie Power and Renewables, explique l’importance du coût des défaillances imprévues. En effet, celles-ci peuvent coûter au propriétaire de l’actif, un montant considérable de 30 000 dollars par turbine et par an, et jusqu’à sept jours de production perdue. Ce total, bien qu’il soit déjà élevé, n’inclut que les pertes de production en cas de défaillance réelle. Il ne tient pas compte des pertes dues aux arrêts préventifs ou aux longs délais de livraison des pièces de rechange.
La maintenance préventive aide l’industrie à réduire le coût pour réparer des éoliennes
La prise de conscience du problème de réparation d’éoliennes imprévues
L’Offshore Renewable Energy (ORE) Catapult est un centre de technologie, d’innovation et de recherche pour les énergies renouvelables offshore. Selon eux, la réduction de ces coûts est une priorité essentielle. Son équipe travaille avec les fabricants d’équipements d’origine (OEM) et les propriétaires exploitants. Cette opération a pour but d’améliorer leur flotte existante et de stimuler les performances du secteur.
« Les coûts des OEM peuvent être considérables », explique Steve Ross, Responsable des données et des activités numériques chez ORE Catapult. « Toute machine qui comporte des pièces mobiles et qui est mise dans des conditions opérationnelles rigoureuses, nécessitera à un moment donné, la défaillance d’un composant important. »
Réparer des éoliennes : vers une stratégie prédictive
M. Ross ajoute que l’industrie se dirige donc vers un environnement qui permettra une maintenance prédictive.
« Cela est dû à une meilleure compréhension des modèles de contrôle de surveillance et d’acquisition de données (SCADA), à l’analyse historique des cycles de vie des composants, et à une meilleure surveillance de l’état des composants et des lubrifiants », dit-il.
« Ajoutez à cela l’utilisation de l’IA et de l’apprentissage machine comme outils d’analyse de données, et l’industrie commence à s’orienter vers un contrôle plus strict des coûts d’exploitation et de maintenance et vers une meilleure compréhension de ceux-ci ».
Environ 8,5 milliards de dollars sont dépensés chaque année pour réparer des éoliennes suite à des pannes de composants. (Crédit : Orsted)
L’intelligence artificielle, l’automatisation des drones et l’analyse des données ont toutes un rôle à jouer
Des nouvelles technologies qui vont changer la donne
En fait, les technologies numériques de cette nature ont été présentées comme un véritable « game changer ». Elles ont le potentiel de maximiser la production et de mettre en évidence les petits problèmes avant qu’ils ne deviennent de gros problèmes. Accenture a estimé que si les opérateurs intégraient pleinement les technologies numériques, ils pourraient réaliser des gains entre 4 et 14 millions de dollars par GW par an.
Comme l’explique M. Ross, l’apprentissage machine est maintenant utilisé pour analyser des dizaines de milliers de données. Des images d’ingénieurs et de drones, des fiches techniques des réparations passées… Cela aide les propriétaires d’actifs à comprendre ce qui se cache derrière leurs défauts et leurs failles.
« L’IA a le potentiel de commencer à prédéfinir les journaux d’alarmes et les messages d’erreur dans le centre de contrôle pour réduire le potentiel d’erreur humaine ».
Parmi les autres technologies émergentes en matière d’O&M figurent les inspections de drones (y compris les drones sous-marins), les robots de maintenance des pales et diverses formes d’automatisation. Par exemple, nous assisterons bientôt au déploiement commercial de systèmes de nacelles à montage automatique qui peuvent se démonter d’eux-mêmes à des fins de maintenance.
L’intégration numérique complète pourrait ne pas être une transition sans heurts
La solution numérique ne séduit pas tout le monde
Tout cela dit, ce serait une erreur de dépeindre la trajectoire comme une simple marche vers la numérisation. Comme le rapport Wood Mackenzie l’indique clairement, le déploiement numérique complet reste rare parmi les propriétaires de biens. La plupart d’entre eux préfèrent s’en tenir aux principes de base et certains fuient le numérique.
M. Liu pense que, malgré tous les avantages qu’on lui prête, il existe encore un certain nombre d’obstacles au déploiement généralisé du numérique. Il pense également que dans certains cas, les avantages peuvent être surestimés.
« Une grande partie des fruits à porter de main se sont déjà avérés bénéfiques. Les systèmes de surveillance des composants à distance en sont un bon exemple », dit-il. « Mais les analyses de données plus avancées et les analyses prédictives sont assez mitigées. »
Le passage au numérique jugé encore trop coûteux
En outre, les aspects économiques des solutions numériques ne sont pas toujours évidents. Par exemple, le déploiement de l’infrastructure pour l’analyse des données peut être relativement coûteux par turbine. C’est une grande préoccupation pour les gestionnaires de parcs éolien dont les KPI sont liés à leurs budgets de fonctionnement.
« Seuls les plus grands propriétaires d’actifs sont prêts à assumer les coûts du déploiement de solutions numériques en échange d’un bénéfice incertain », explique M. Liu.
M. Ross reconnaît qu’il n’y a pas de corrélation exacte entre le déploiement numérique et la réduction des coûts d’exploitation et d’entretien. Les solutions numériques en sont encore à leurs débuts. Les opérateurs n’en voient pas clairement les avantages.
L’adoption massive pourrait dépendre des fournisseurs, et non des propriétaires d’actifs
Un retard du domaine des énergies renouvelables en termes de numérique
M. Ross pense que le secteur des énergies renouvelables est probablement en retard sur la numérisation. Il ne voit pas le point de basculement de l’adoption massive, être atteint avant quelques années.
Toutefois, M. Ross estime que le secteur progresse rapidement. ORE Catapult a récemment lancé son forum d’innovation sur les données éoliennes. Celui-ci s’inspirera d’autres secteurs et accélérera le développement numérique de l’industrie.
La transition se fera par les fournisseurs
M. Liu pense que ce sont les fournisseurs qui auront la responsabilité d’engager la transition. De fait, ils devront comprendre le marché et encourager l’adoption de solutions numériques. Cela exigera un engagement total de la part de chaque partie prenante et une réflexion sur les raisons pour lesquelles ils pourraient être réticents à essayer quelque chose de nouveau.
« La plupart des équipementiers proposent les derniers modèles de turbines avec une certaine forme de saisie de données en place. Ainsi, au fur et à mesure que la flotte terrestre se renouvelle, nous devrions assister à un déploiement généralisé de la numérisation », dit-il.