Les relations commerciales sino-russes sont en train de connaitre, depuis l’offensive russe contre l’Ukraine, un développement croissant. la Russie ayant été largement coupée de l’Europe, pour maintenir son économie en vie, le pays a massivement réorienté ses relations commerciales vers la Chine. Les échanges commerciaux entre les deux pays ont atteint un record de 190 milliards de dollars en 2022, malgré les sanctions internationales et le départ de nombreuses entreprises étrangères de Russie. Sur le plan énergétique, Moscou et Pékin ont également accéléré leur rapprochement. Mais les experts mettent en garde contre les risques d’une relation déséquilibrée et en position de faiblesse pour la Russie.
Un partenariat économique sans limites
Avant l’intervention du Kremlin en Ukraine, Vladimir Poutine et Xi Jinping avaient brandi un partenariat « sans limites » entre Russie et Chine. Le message était clair : s’afficher en contrepoids de l’Occident. Depuis lors, les échanges commerciaux ont explosé, avec un commerce bilatéral de 190 milliards de dollars en 2022, un record. La part du yuan dans les devises utilisées pour le commerce extérieur russe est passée en un an de 0,5% à 16%, entraînant la réduction spectaculaire de l’euro et du dollar dans les exportations russes (48% désormais).
Sur le plan énergétique, leur principale source d’échanges, Moscou et Pékin ont également accéléré leur rapprochement. Les économistes de l’Association des grandes banques et institutions financières mondiales (IIF) expliquent que « la Chine et l’Inde ont remplacé l’EU en tant que marchés principaux d’exportations » pour le pétrole russe, représentant « au quatrième trimestre (2022), avec la Turquie, les deux-tiers des exportations totales de brut russe ».
Des relations commerciales sino-russes « déséquilibrée »
Cependant, les experts mettent en garde contre les risques d’une relation « déséquilibrée » et en position de faiblesse pour la Russie. La Russie n’a pas beaucoup de partenaires économiques de taille, ce qui rend critique la nécessité de se tourner vers la Chine. « La stabilité de l’économie russe dépend désormais de la Chine, ce qui donne à Pékin un nouvel instrument pour influencer la Russie directement », analyse Temour Oumarov, spécialiste des relations sino-russes à la Fondation Carnegie pour la paix internationale. Une observation toutefois contestée par le Kremlin. « Dans ces relations, il n’y a pas de leader, pas de suiveur », a assuré vendredi le conseiller diplomatique de Vladimir Poutine, Iouri Ouchakov, évoquant « deux partenaires qui se font confiance et partagent largement les mêmes objectifs ».
Les défis logistiques et économiques des relations commerciales sino-russes
De nombreux problèmes logistiques subsistent pour développer davantage ce partenariat. Les lignes ferroviaires dans l’Extrême-Orient russe « sont déjà saturées », explique Anna Kireïeva, de la prestigieuse école moscovite de relations internationales MGIMO. « Et leur modernisation prendra du temps ». De plus, les infrastructures de la région destinées aux hydrocarbures, comme le port pétrolier russe de Kozmino, sur la côte de la mer du Japon, nécessitent également des investissements pour pouvoir répondre à la demande chinoise en constante augmentation.
Les conséquences économiques pour la Russie
L’embargo et le plafonnement du prix de vente du pétrole russe par les Occidentaux depuis décembre dernier ont eu un impact négatif sur les revenus pétroliers de Moscou. Selon l’Agence internationale de l’énergie (IEA), ces revenus ont chuté de 42 % en février par rapport à l’année précédente, malgré le même volume de pétrole commercialisé. Cela affaiblit la position russe face à la Chine, qui pourrait chercher à en profiter pour obtenir des avantages économiques.
Une dépendance économique de Moscou vis-à-vis de Pékin
La Chine et la Russie sont des alliés supposés, mais également des concurrents, comme le rappelle Timothy Ash. Pékin pourrait ainsi chercher à exploiter la position affaiblie de Moscou pour obtenir des avantages économiques. Selon Temour Oumarov, nous ne sommes qu’au début du processus de dépendance économique de Moscou vis-à-vis de la Chine. Cependant, dans les années ou décennies à venir, ce levier économique pourrait se transformer en un levier politique encore plus puissant.