En France, la réforme visant à fusionner l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) et l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) modifie la structure de la sûreté nucléaire en place depuis les années 1990. Cette initiative, désormais validée par l’Assemblée nationale et destinée à améliorer l’efficacité de la surveillance nucléaire, est contestée pour son potentiel de conflit entre évaluation scientifique et prise de décision politique. Michaël Mangeon, historien du nucléaire, souligne l’importance de cette séparation pour la confiance et la légitimité des organismes de gestion des risques nucléaires. La réforme française s’inspire du modèle intégré américain, souvent cité pour sa structure unifiée sous la Nuclear Regulatory Commission (NRC).
Le modèle américain
Aux États-Unis, la NRC, créée en 1974, est l’unique autorité en matière de sûreté nucléaire, indépendante du gouvernement et rapportant uniquement au Congrès. Elle combine évaluation et décision au sein de différents bureaux internes, tout en consultant l’Advisory Committee on Reactor Safeguards (ACRS) pour avis. Contrairement à la France, les sessions de décision de la NRC sont publiques, renforçant la transparence et la participation civique dans la gestion de la sûreté nucléaire.
Changements au Japon après Fukushima
Suite à l’accident de Fukushima en 2011, le Japon a intégré ses institutions de sûreté nucléaire au sein de l’Autorité de régulation nucléaire (NRA), mettant fin aux critiques sur les conflits d’intérêts. La NRA se divise en deux entités principales, l’Autorisation et la Supervision, reflétant une organisation interne distincte pour la prise de décision et l’expertise technique, un modèle qui a restauré la confiance dans l’indépendance de la régulation nucléaire japonaise.
Le débat en Belgique
La Belgique a également envisagé une fusion de ses entités de sûreté nucléaire en 2008 avant d’y renoncer, privilégiant le maintien de l’indépendance entre évaluation et décision. Benoît De Boeck, ex-directeur de Bel V, explique que la transition aurait pu entraîner une perte d’expertise critique, soulignant l’importance de l’indépendance fonctionnelle pour la sécurité nucléaire.
Conséquences potentielles de la réforme française
La réforme française, en cherchant à simplifier la structure de la sûreté nucléaire, suscite des préoccupations quant à la possibilité de « polluer » l’expertise scientifique avec des enjeux politiques ou économiques. La distinction claire entre expertise et décision est vue comme un pilier de la sûreté nucléaire, essentielle pour maintenir la confiance publique dans la gestion des risques nucléaires.
En examinant d’autres modèles internationaux, la réforme souligne l’importance cruciale de maintenir une séparation claire entre l’expertise technique et la prise de décision politique pour assurer une gestion sûre et transparente de l’énergie nucléaire. Les exemples des États-Unis, du Japon et de la Belgique illustrent la diversité des approches en matière de régulation nucléaire, chacun avec ses mérites et défis propres. Alors que la France envisage son propre chemin, la question fondamentale demeure : comment concilier l’impératif d’indépendance de l’expertise avec la nécessité d’une prise de décision efficace et responsable dans un domaine aussi critique que la sûreté nucléaire? Cette réflexion s’inscrit dans un contexte global de recherche de modèles optimisés pour la gouvernance de la sûreté nucléaire, soulignant l’importance d’un débat ouvert et informé.