Les recettes pétrolières et gazières de la Russie devraient baisser de manière significative dans les prochaines années. Un projet de budget publié par le gouvernement russe prévoit que les revenus issus de la vente d’hydrocarbures passeront de 11,3 trillions de roubles en 2024 à 10,9 trillions de roubles en 2025, ce qui représente une réduction notable. Cette tendance baissière se poursuivra pour atteindre 9,77 trillions de roubles en 2027, correspondant à seulement 5,1 % du PIB national.
Cette diminution s’explique par l’allègement de la pression fiscale sur la principale entreprise gazière du pays, Gazprom. La taxe d’extraction de minéraux (Mineral Extraction Tax, MET) appliquée à Gazprom sera réduite de plus de 30 % en 2025, ce qui se traduira par une diminution de 550 milliards de roubles. Le gouvernement a instauré cette réforme fiscale pour soutenir Gazprom, qui a subi une chute drastique de ses exportations vers l’Europe depuis le début de la guerre en Ukraine.
La baisse des recettes énergétiques, qui passeront de 33 % à 27 % du total des revenus de l’État, pose un défi majeur pour le financement des dépenses publiques. L’économie russe reste fortement tributaire de ses revenus pétroliers et gaziers, et toute contraction de ces flux peut compromettre la stabilité budgétaire. Cette situation coïncide avec un contexte de sanctions internationales qui restreignent l’accès de la Russie aux marchés financiers mondiaux et pèsent sur sa capacité à diversifier ses sources de revenus.
Anton Siluanov, ministre des Finances, a souligné que l’objectif est de limiter les pertes tout en maintenant la compétitivité du secteur énergétique. Toutefois, la baisse attendue des recettes pourrait contraindre le gouvernement à revoir ses priorités de dépenses ou à puiser dans ses réserves de change pour combler le déficit budgétaire.
Gazprom, un pilier de l’économie russe, est au cœur de cette réforme fiscale. En 2023, la société a enregistré sa première perte nette depuis 1999, conséquence directe de la chute des exportations vers l’Europe. Malgré cela, l’État avait initialement imposé un prélèvement supplémentaire de 50 milliards de roubles par mois, une mesure qui restera en place jusqu’à la fin de 2025.
La réduction de la MET vise à alléger la pression sur Gazprom, facilitant une stabilisation de sa production et une réorientation de ses exportations vers l’Asie, notamment vers la Chine. Cependant, l’absence d’infrastructures adéquates pour transporter ces volumes vers les nouveaux marchés freine cette stratégie. Les gazoducs existants, comme le Power of Siberia, sont insuffisants pour absorber les volumes autrefois destinés à l’Europe, ce qui crée un risque de sous-utilisation des capacités de production de Gazprom.
L’évolution du régime fiscal pour Gazprom n’est pas seulement une question économique, elle est aussi stratégique. En soutenant le géant gazier, la Russie cherche à renforcer son influence sur les marchés asiatiques tout en limitant les conséquences des sanctions occidentales. Cependant, cette stratégie a ses limites. Le développement de nouvelles infrastructures de transport nécessite des investissements massifs, que la baisse des revenus pourrait compromettre.
Par ailleurs, le réalignement des exportations vers l’Asie pourrait fragiliser la position de la Russie face à des concurrents tels que le Qatar ou les États-Unis, qui cherchent à s’imposer comme des fournisseurs de gaz naturel liquéfié (LNG) dans la région. Cela pourrait redéfinir les équilibres géopolitiques et modifier les flux d’énergie entre l’Europe, l’Asie et le Moyen-Orient.
La diminution attendue des revenus du pétrole et du gaz soulève des questions sur la durabilité du modèle économique de la Russie. Bien que la réduction de la MET soulage temporairement Gazprom, elle ne résout pas les problèmes structurels du secteur. La transition vers une économie moins dépendante des hydrocarbures est encore loin d’être accomplie, et les risques liés aux sanctions continuent de peser sur le potentiel de croissance de l’industrie.
La Russie devra probablement revoir ses objectifs de production et ses stratégies de diversification énergétique. Le développement de nouveaux marchés en Asie pourrait prendre plusieurs années, et le manque de liquidité pourrait contraindre le gouvernement à chercher des alternatives de financement, comme la vente d’actifs stratégiques.
En somme, la baisse des revenus pétroliers et gaziers russes entre 2025 et 2027 pose un défi majeur pour l’équilibre financier du pays. L’allègement fiscal pour Gazprom pourrait permettre une stabilisation à court terme, mais la dépendance du budget à l’égard des hydrocarbures reste un point de fragilité. La Russie devra trouver un équilibre délicat entre soutien au secteur énergétique et préservation de ses ressources fiscales.