La centrale hydroélectrique de Ruzizi, un pilier essentiel de la production d’électricité pour la République Démocratique du Congo (RDC) et les pays voisins, subit une réduction significative de sa production en raison de l’accumulation de déchets plastiques. Située à Bukavu, dans la province du Sud-Kivu, cette centrale est au cœur d’une problématique environnementale et industrielle qui affecte directement son fonctionnement. Les fortes pluies ont entraîné une masse importante de détritus dans le lac Kivu, qui viennent ensuite bloquer les turbines de la centrale, perturbant ainsi la production d’électricité.
Les déchets plastiques, principalement issus des caniveaux de la ville, sont transportés dans le lac par les pluies, se dirigeant ensuite vers les installations de la centrale. Ce phénomène cyclique, en l’absence de gestion appropriée des déchets dans la région, crée des interruptions de production régulières. Cette situation complique davantage l’accès à l’énergie dans une zone déjà fragile d’un point de vue économique et énergétique.
Impact immédiat sur la capacité de production
La capacité de production de la centrale de Ruzizi est habituellement de 20 mégawatts (MW), mais avec deux turbines sur quatre actuellement à l’arrêt en raison de l’obstruction causée par les déchets, cette capacité a été réduite de moitié. Les 10 MW restants ne suffisent plus à répondre aux besoins en électricité des populations et des entreprises du Sud-Kivu, du Nord-Kivu, ainsi que des régions limitrophes du Burundi. La relance partielle d’une des turbines n’a pas permis de rétablir complètement la situation, et les délestages se poursuivent.
L’absence de solution durable pour éliminer les déchets accumulés complique les opérations de maintenance. Les équipes sur place interviennent en continu pour dégager manuellement les turbines, mais cette tâche reste complexe et peu efficace sur le long terme. Le directeur local de la Société nationale d’électricité (Snel), Jovy Mulemangabo, a souligné la nécessité d’une meilleure gestion des déchets par la population pour éviter de tels incidents à répétition. Toutefois, sans infrastructures adaptées, les perspectives d’amélioration restent limitées.
Conséquences économiques et industrielles
Cette réduction de la production électrique a des répercussions significatives sur l’économie locale. Les entreprises industrielles, tout comme les foyers, sont confrontés à des interruptions d’électricité prolongées. La dépendance de la région envers cette unique source d’énergie rend chaque coupure particulièrement préjudiciable, impactant directement la productivité et les activités commerciales. En l’absence d’un réseau énergétique diversifié, le Sud-Kivu et ses voisins doivent faire face à une vulnérabilité croissante.
Par ailleurs, l’impact sur l’approvisionnement en électricité se ressent également au-delà des frontières de la RDC. Le Burundi, également alimenté par la centrale de Ruzizi, subit des pénuries d’électricité, ce qui complique davantage ses efforts de développement économique. Le ralentissement de la production d’énergie fragilise les initiatives industrielles dans ces pays, exacerbant la dépendance vis-à-vis d’importations énergétiques.
Perspectives de gestion des infrastructures
La situation actuelle soulève des questions sur la gestion des infrastructures énergétiques dans des régions fortement dépendantes de ressources locales comme l’hydroélectricité. Les centrales hydroélectriques, bien que souvent présentées comme des solutions fiables et propres, sont ici mises à rude épreuve par des problèmes environnementaux mal gérés, mais également par le manque d’entretien adéquat des réseaux de collecte des déchets. L’enjeu dépasse donc le cadre purement énergétique et soulève la question des investissements dans les infrastructures publiques, particulièrement dans des zones en développement.
Il est également impératif de repenser la gestion des déchets, notamment plastiques, dans la région du Sud-Kivu. Sans système de collecte formel, les déchets continuent d’affluer dans les cours d’eau, compromettant ainsi non seulement la production d’électricité mais aussi l’environnement et les conditions de vie locales. Si cette situation n’est pas résolue rapidement, les pannes de production pourraient devenir plus fréquentes et causer des pertes économiques significatives sur le long terme.
Des solutions en attente
Face à ce problème récurrent, les autorités congolaises et les responsables de la centrale hydroélectrique de Ruzizi sont sous pression pour trouver des solutions efficaces. Le ministère de l’Environnement a déclaré en 2023 que la gestion des déchets était une priorité, mais les progrès concrets tardent à se matérialiser. La gestion proactive des infrastructures énergétiques est essentielle pour éviter de nouvelles interruptions de production, d’autant que la demande en énergie continue d’augmenter dans la région.
Le défi reste d’autant plus complexe que les financements pour de tels projets sont souvent limités, et que l’entretien des installations dépend de plusieurs acteurs. L’augmentation des investissements publics ou des partenariats privés pourrait fournir des pistes de solutions. En attendant, la population et les entreprises doivent composer avec un service d’électricité réduit, augmentant les tensions sociales et économiques dans la région.