Face aux réquisitions dégainées par le gouvernement pour contrer la grève dans l’industrie pétrolière, la CGT prépare la riposte et parie sur une extension du mouvement en faveur des hausses salariales, en dépit du mécontentement d’une partie de l’opinion.
“Il y a beaucoup de conflits dans ce pays (…), nous appelons les salariés (…) à se mettre en grève et à amplifier les mobilisations dans les prochains jours”, a dit mercredi soir le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, venu soutenir les salariés grévistes d’ExxonMobil à Notre-Dame-de-Gravenchon (Seine-Maritime).
Le leader du deuxième syndicat français a annoncé le dépôt jeudi d’un recours en référé contre la réquisition de quatre salariés dans cette raffinerie.
Selon Céline Verzeletti, secrétaire confédérale de la CGT, une journée de grève nationale interprofessionnelle pourrait être annoncée jeudi et avoir lieu “dès la semaine prochaine”.
Une réunion des responsables de fédérations s’est tenu mercredi après-midi au siège de la CGT pour coordonner la réponse cégétiste, suivie jeudi matin d’une réunion avec toutes les unions départementales.
Philippe Martinez a évoqué mercredi soir la grève en cours des salariés chargés de la maintenance dans les centrales nucléaires et ajouté que les cheminots étaient “en train de discuter de modalités”.
Il s’est aussi félicité que FO, quatrième syndicat parmi les salariés du raffinage chez TotalEnergies, ait rejoint la grève.
“Cette grève doit faire tâche d’huile”, a enjoint sur les réseaux sociaux Emmanuel Lépine, le secrétaire générale de la Fnic-CGT (fédération nationale des industries chimiques).
“Les réquisitions mettent le feu aux poudres”, a de son côté estimé Benoît Martin (CGT de Paris), au cours d’un rassemblement qui a réuni mercredi soir sur le parvis de l’Hôtel de Ville des militants CGT, FO, Solidaires et de nombreux responsables politiques de gauche dont Jean-Luc Mélenchon.
– L’opinion, partagée –
Il y a en revanche peu de chances que la CFDT ou la CFTC rejoignent le mouvement, l’une et l’autre s’étant désolidarisée ce week-end des grèves chez TotalEnergies, qualifiées de “préventives”.
Des responsables syndicaux “réformistes” mettent en exergue sous couvert d’anonymat les enjeux internes qui sous-tendent le conflit, la Fédération de la chimie, opposée à la ligne de Philippe Martinez, ayant à coeur selon eux de marquer des points auprès des militants à quelques mois du Congrès de la CGT, programmé en 2023.
“Ce mouvement a été piloté par les travailleurs. Je rêverais qu’il y ait un bouton où on appuie pour déclencher les grèves”, balaye Amar Lagha, de la CGT Commerces.
Si la centrale de Montreuil n’a pas déclenché ni même vu venir le mouvement –“peut-être qu’on ne pensait pas que ça allait prendre comme ça”, glisse Mme Verzeletti–, elle est bien décidée désormais à enfourcher la monture pour partir au combat.
“On va accélérer notre processus de mobilisation”, dit la dirigeante syndicale.
De nombreux militants syndicaux seront comme elle présents à la manifestation “contre la vie chère” organisée par la Nupes dimanche, avant peut-être l’organisation d’une journée commune des partis de gauche et des syndicats, plus tard.
La CGT ne craint-elle pas avec ces grèves et manifestations de se mettre à dos les Français, pour beaucoup excédés des difficultés à faire le plein ? “Bien sûr que quand on fait une heure de queue à la station service on est énervé. Mais la question du partage des richesses est dans la tête de tout le
monde”, répond Mme Verzeletti.
Selon un sondage Elabe pour BFMTV, une courte majorité de Français approuvent la mobilisation des salariés de TotalEnergies et ExxonMobil (42% approuvent, 40% désapprouvent, 18% y sont indifférents).
Pour le politologue Dominique Andolfatto, la CGT “sait qu’elle clive”. Mais elle “fait sans doute le calcul que c’est plutôt positif pour elle”, notamment “vis-à-vis de sa base et des soutiens”.
Un ministre voit de son côté la CGT jouer un “jeu politique” par rapport à la manifestation de dimanche. Elle n’y “participe pas” mais “se dit que dans le climat social, c’est bien d’allumer des mèches”.