La commission nationale du débat public (CNDP) organise jusqu’au 18 février une « concertation préalable » sur ce projet de « bassin d’une capacité de stockage totale de 6.500 tonnes » qui vise à « éviter la saturation » des piscines actuelles de La Hague. Les combustibles irradiés dans toutes les centrales de France y refroidissent, soit un peu moins de 10.000 tonnes actuellement, l’équivalent de 100 coeurs de réacteurs.
Des réunions publiques sont prévues dans la Manche et chacun peut également donner son avis sur le site projet-piscine.edf.fr.
En incluant « la possibilité d’installer un 2e bassin ultérieurement » mentionnée dans le projet, les capacités théoriques d’entreposage « doubleraient », s’inquiète Guillaume Hédouin, conseiller régional EELV opposé au projet. L’absence d’eau sur les combustibles peut entraîner une catastrophe nucléaire.
« On a là une question lourde qui se pose: est-ce que c’est raisonnable de laisser une telle quantité de matière nucléaire au même endroit », s’était interrogée en 2018 Barbara Pompili, alors députée LREM après avoir visité La Hague.
Dans un rapport parlementaire publié la même année, elle indiquait « continuer de s’interroger sur la nécessité d'(y) construire à grand frais une piscine centralisée dotée de deux bassins ayant pratiquement chacun la taille d’un terrain de football ».
La nouvelle piscine évaluée à 1,25 milliard d’euros serait toutefois « protégée par une paroi bunkerisée » selon EDF, contrairement aux bassins actuels propriété d’Orano qui les considère comme sûrs.
Le sénateur PS de la Manche Jean-Michel Houllegatte est lui favorable au projet.
L’unité recyclage d’Orano emploie 4.800 personnes en France.
Surtout, le lancement de ce projet est « vraiment urgent », face aux risques de saturation des bassins actuels, estimait en juin 2020 le président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) Bernard Doroszczuk.
Fin 2016, le taux d’espace disponible dans les piscines était de 7,4% selon Orano. Si les bassins sont pleins, les réacteurs doivent progressivement s’arrêter.
« Exception française »
Aujourd’hui, le gendarme du nucléaire redoute même une « saturation (…) beaucoup plus rapide que prévu » des piscines de la Hague, selon un document daté du 25 octobre, deux semaines avant que l’Elysée n’annonce sa volonté de « relancer la construction de réacteurs nucléaires ».
Les craintes de l’ASN sont liées à « l’aggravation des difficultés auxquelles Orano est confrontée » dans son usine de Marcoule (Gard) pour faire du MOX, un combustible fabriqué à partir du retraitement des combustibles irradiés entreposés à La Hague, selon l’ASN.
Comme Marcoule produit moins, La Hague retire moins de combustibles de ses piscines qui continuent à se remplir.
D’autant qu’Orano a dû arrêter fin septembre pour au moins de deux mois une de ses deux usines de retraitement de la Hague à la suite notamment d’un problème de corrosion.
La mise en service du premier bassin est annoncée par EDF pour 2034. Orano a demandé l’autorisation de mettre plus de combustibles de ses piscines en attendant.
Selon Yannick Rousselet de Greenpeace France, une saturation est désormais redoutée pour 2028.
Pour l’ONG comme pour EELV, il faut renoncer au retraitement et aux piscines de la Hague, pour entreposer les combustibles à sec à côté de chaque centrale, comme cela se fait à l’étranger. Et pour eux, c’est faisable dans les délais imposés par les risques de saturation.
« Le retraitement constitue une exception française qui contribue à l’accroissement des risques en matière de sûreté et présente une pertinence économique contestable », écrivait Mme Pompili dans son rapport préconisant d’étudier la piste de l’entreposage à sec. L’ASN a aussi demandé à EDF d’y réfléchir en parallèle à son projet de bassin.
Selon Orano, le retraitement sert à réduire le volume des déchets. Pour EELV, le retraitement est « un tour de passe-passe, un vrai scandale ». Les combustibles recyclés fabriqués par Orano sont très peu utilisés dans les faits, selon les écologistes.