Le gouvernement espagnol a accusé la Commission européenne de se “payer la tête du monde” avec une proposition de plafonnement du prix du gaz jugée inapplicable, tandis que Paris a dénoncé un “affichage politique”.
“Nous avions demandé à la Commission qu’elle élabore une proposition et, à la dernière minute, elle nous présente cette proposition, qui n’en est pas une”, a déclaré à la presse la ministre espagnole de la Transition écologique, Teresa Ribera, qualifiant de “plaisanterie” le mécanisme souhaité par Bruxelles.
“Ce que cette proposition va générer est à l’opposé de l’effet recherché: elle va provoquer une augmentation plus importante des prix, mettant en péril toutes les politiques de maîtrise” de l’inflation, a poursuivi la ministre, accusant la Commission de “se payer la tête du monde”.
A sa suite, le ministère français de la Transition énergétique a critiqué un dispositif “insuffisant, qui ne répond pas à la réalité du marché”.
“Il faut que la Commission propose un texte opérationnel, pas simplement un texte qui fait de l’affichage politique et qui peut avoir potentiellement des effets pervers ou nuls”, a tancé le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher.
Bruxelles a proposé mardi un mécanisme temporaire permettant de plafonner les prix de gros sur le marché gazier de référence de l’UE, mais avec des conditions très drastiques afin de rallier les États membres réticents à ce type de dispositif.
Cette proposition est “clairement insuffisante” et “ne va pas dans la bonne direction”, a protesté le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez.
Selon Mme Ribera, le texte suscite une “forte indignation chez une majorité d’États membres”. Madrid va s’”opposer fortement” à ce mécanisme lors de la réunion jeudi des ministres européens de l’Énergie, a-t-elle prévenu, estimant que la Commission “y entendra des choses très dures de la part de la grande majorité des ministres”.
Faute d’un nouveau texte “sérieux”, l’Espagne pourrait “simplement cesser de soutenir les propositions de la Commission sur d’autres questions importantes pour elle”, a-t-elle mis en garde.
Le dispositif dévoilé par Bruxelles consiste à plafonner pour un an les prix des contrats mensuels (pour livraison le mois suivant) sur le marché néerlandais de référence TTF.
Il se mettrait automatiquement en place dès que ces prix dépasseraient 275 euros/MWh pendant deux semaines consécutives, et à condition qu’ils soient au moins supérieurs de 58 euros à un “prix mondial moyen de référence” du gaz naturel liquéfié (GNL) pendant dix jours — afin que l’Europe reste suffisamment attractive pour les bateaux de GNL.
Mais les contrats mensuels n’ont dépassé 275 euros/MWh cette année que lors d’une très brève période fin août, quand les Vingt-Sept se faisaient concurrence pour remplir leurs réserves. Et les prix évoluent actuellement autour de 120 euros.
Une porte-parole de la Commission a confirmé qu’au vu des conditions du mécanisme, ce dernier n’aurait pas été déclenché lors de la flambée des prix du mois d’août, où le plafond de 275 euros n’avait été dépassé qu’une poignée de jours, très en deçà des deux semaines requises.
Pour autant, “nous avons conçu” ce mécanisme “pour anticiper et éviter que cette situation ne survienne à l’avenir”, a-t-elle précisé.
“C’est un filet de sécurité qui est très très bas, il faut avoir fait une bonne chute libre avant d’être dedans”, raille-t-on dans l’équipe de Mme Pannier-Runacher.
Paris reproche également à la Commission de ne pas viser les transactions de gré à gré (en dehors des marchés réglementés), au risque de laisser une importante faille dans le mécanisme.