La précarité énergétique, un problème qui touche un nombre croissant de Français, se manifeste par une difficulté persistante à payer les factures d’électricité et de gaz. En 2024, le Médiateur national de l’énergie rapporte que plus d’un quart des consommateurs peinent à régler leurs frais énergétiques, les exposant à des coupures d’électricité ou à des réductions de puissance électrique. Cette réalité précaire s’accentue alors qu’approche la Journée nationale de lutte contre la précarité énergétique, prévue le 12 novembre.
Durant l’hiver 2023-2024, un tiers des Français ont enduré des températures glaciales dans leur propre logement. Les données montrent une augmentation notable du nombre de ménages qui limitent le chauffage pour contenir les coûts énergétiques. Selon une enquête récente, 75 % des foyers français ont restreint leur consommation de chauffage, un phénomène qui persiste malgré la diminution récente des hausses tarifaires. Pour 28 % des foyers, les factures sont si élevées qu’elles deviennent quasiment impossibles à payer, créant une menace permanente de coupure.
Interventions pour impayés : coupures et réductions de puissance
En cas d’impayés, les consommateurs peuvent voir leur électricité coupée ou leur puissance réduite, selon le Médiateur de l’énergie. Pour les ménages bénéficiaires du chèque énergie, une réduction de puissance est parfois privilégiée. EDF, principal fournisseur d’électricité en France, adopte cette méthode pour éviter les coupures totales. En 2023, plus d’un million de foyers ont fait l’objet d’interventions pour impayés, comprenant 265 000 coupures d’électricité et de gaz, en baisse de 18 % par rapport à l’année précédente. Cependant, les réductions de puissance, passant à 1 kilovoltampère (kVA), ont grimpé de 15 %, touchant 736 000 foyers.
Ces mesures de réduction de puissance, bien que moins drastiques qu’une coupure totale, posent de nombreux défis aux foyers concernés. Une puissance de 1 kVA permet uniquement le fonctionnement minimal de certains appareils essentiels tels qu’un réfrigérateur, une lampe ou un chargeur de téléphone, outils indispensables pour contacter les services sociaux ou le fournisseur d’électricité. En revanche, les équipements de chauffage et les chauffe-eaux électriques dépassent cette limite, ce qui impose des contraintes importantes dans la vie quotidienne.
Répercussions sur le quotidien : une organisation difficile
La Fondation Abbé Pierre et d’autres associations de lutte contre la précarité énergétique alertent sur les conséquences sociales et psychologiques de ces restrictions. Hélène Denise, chargée de plaidoyer à la Fondation Abbé Pierre, souligne que l’énergie devrait être reconnue comme un bien de première nécessité. Pour les 88 % de ménages concernés, l’organisation quotidienne devient un défi, malgré l’avantage de pouvoir conserver une source d’éclairage et quelques équipements fonctionnels, plutôt que de subir une coupure complète. Ces réductions de puissance sont perçues comme un moindre mal, mais elles compliquent fortement la gestion domestique, obligeant certains à fréquenter les laveries faute de pouvoir utiliser leur propre machine à laver.
Yvon S., un habitant de la Somme âgé de 70 ans, a vécu cette situation durant l’été dernier. Avec seulement 920 euros de retraite, il a été contraint de subsister pendant un mois avec une puissance électrique limitée, l’empêchant de cuisiner convenablement. « Pendant un mois, j’ai dû me contenter de sandwichs, faute de pouvoir utiliser ma plaque chauffante », confie-t-il. Ce récit illustre la précarité croissante qui touche les retraités modestes, et la fragilité des solutions mises en place.
Le chèque énergie en péril : une protection moins accessible
La Fondation Abbé Pierre s’inquiète également de la réforme du chèque énergie, dont l’envoi automatique est désormais suspendu suite à la suppression de la taxe d’habitation, qui servait à calculer son montant. Selon Hélène Denise, cette évolution risque d’exclure des foyers déjà en difficulté, rendant plus complexe l’accès à une aide financière pourtant essentielle. Les fournisseurs d’électricité, dans ce contexte, pourraient ne plus identifier les ménages éligibles à cette protection spéciale, laissant des familles sans filet de sécurité.
La disparition de l’envoi automatique risque de renforcer la non-utilisation de ce dispositif par des ménages qui, par manque d’information ou de moyens, ne font pas la demande du chèque énergie. L’association de consommateurs CLCV (Consommation, Logement et Cadre de Vie) partage cette préoccupation, craignant qu’un grand nombre de foyers ne soient exclus du dispositif, accentuant davantage la précarité énergétique des populations les plus vulnérables.