Le plafonnement du prix du pétrole russe fait débat. De fait, le G7 plaide en faveur d’un plafonnement du pétrole Russe afin de limiter la capacité de Moscou à financer sa guerre. Invoqué en vue de faire pression sur un État Russe instrumentalisant la crise énergétique actuelle, sa mise en œuvre pose question.
Si la baisse de la dépendance au pétrole russe en Europe a permis d’envisager cette mesure, de nombreux écueils demeurent. L’éventualité des représailles de Moscou pèse lourdement dans la balance, surtout pour les pays les plus exposés. Dans ce contexte, la Chine et l’Inde détiennent, en partie, les clés de la réussite de ce pari risqué du G7.
Bien difficile de savoir si la volonté d’exercer une pression financière sur la Russie portera ses fruits ou entraînera, au contraire, une accélération potentielle de la récession mondiale. La flambée des prix de l’énergie a largement profité à la Russie dont les exportations de combustibles fossiles auraient rapporté 158 milliards depuis le début de la guerre, selon le Centre for Research on Energy and Clean Air (CREA).
La série de sanctions adoptée par l’UE montre clairement ses limites, à court terme. L’UE veut désormais limiter sa dépendance aux énergies fossiles et adopter des mesures plus contraignantes à l’égard de la Russie.
Une Europe moins dépendante des hydrocarbures russes
L’invasion de l’Ukraine a agi comme un révélateur de la fragilité énergétique de l’UE. Selon Eurostat, l’Europe importait 58% de ses ressources en énergie fossile en 2020. Au premier semestre de 2021, la Russie fournissait respectivement 48,4% du gaz et 25,4% du pétrole importé par les Européens.
L’UE, confrontée à une crise énergétique sans précédent suite à l’invasion de l’Ukraine, s’est donc attelée à réduire sa dépendance énergétique. En témoigne le programme REpowerEU consacré à l’indépendance énergétique de l’Union, adopté quelques semaines après le début du conflit.
Les importations de pétrole brut russe ont atteint 1,7 million de barils par jour contre 2,6 millions par baril en janvier. La baisse est significative, même si l’UE demeure le plus gros marché pour le brut russe selon l’IEA. Les importations provenant des États-Unis ont remplacé 800.000 barils des importations russes, tandis que la Norvège a fourni environ un tiers de la demande.
Néanmoins, la mise en oeuvre du plafonnement du prix du pétrole russe s’avère particulièrement complexe.
Le niveau de plafonnement et l’assurance maritime
La réussite du mécanisme du plafonnement du prix du pétrole russe repose principalement sur le respect d’un certain seuil. Le baril de pétrole russe se vend déjà avec de fortes réductions de 30 à 40 dollars.
S’il est trop faible, le plafonnement pourrait entrainer des représailles de la part des Russes qui stopperaient une partie de la production avec pour conséquence une augmentation globale du prix du brut. S’il est trop élevé, la Russie continuera à bénéficier de la redirection de son pétrole hors d’Europe au prix actuel.
Ehsan Khoman, le responsable des marchés émergents de MUFG, confirme l’importance du niveau du plafonnement du prix du pétrole russe:
« Si le plafond est proche du coût de production, c’est comparable à un embargo et la Russie ne vendra pas son pétrole gratuitement mais le fixera au prix du marché. »
Le plafonnement du prix du pétrole russe repose également sur l’interdiction faite aux assureurs de couvrir le transport de l’or noir. Une dérogation serait accordée aux acheteurs, sous réserve que les prix appliqués soient équivalents ou inférieurs au plafond. Les Européens représentent 90 à 95% des acteurs de ce marché de l’assurance maritime et espèrent ainsi faire respecter au mieux cette mesure.
La baisse de la valeur des exportations du pétrole russe
L’abaissement de la valeur des exportations russes est ainsi la priorité de la coalition menée par les États-Unis. Le G7 semble parier sur le fait que la Russie favorisera une redirection de son pétrole vers l’Asie plutôt qu’un arrêt de la production. Les exportations d’énergie représentent, de fait, plus de la moitié du budget du gouvernement russe.
Il est peu probable que la Chine et l’Inde se rallient au plafonnement du prix du pétrole russe. En cas de succès de la tentative de priver Poutine de ses revenus pétroliers, un large contingent de consommateurs asiatiques serait susceptible d’acheter de plus grandes quantités de brut russe à bon marché.
Dans ce cas de figure, les raffineurs asiatiques bénéficieraient d’un levier supplémentaire pour négocier les prix à la baisse. Les États-Unis espèrent que ce plafonnement augmentera la réduction des prix du brut russe sur le marché.
L’écueil des mesures de contournement
Le succès du plafonnement du prix du pétrole russe s’appuie sur la capacité du G7 à rassembler au-delà de sa coalition. Cette stratégie a déjà montré ses limites dans le cadre des sanctions. En outre, Poutine a déjà annoncé qu’il interromprait les exportations de pétrole vers les pays imposant un plafonnement.
Les conditions de redirection des exportations de pétrole vers les pays alliés de la Russie revêtent ainsi une importance capitale. Un éventuel contournement de l’assurance maritime par la Chine et l’Inde compliquerait également l’efficacité de la mesure. La Chine serait effectivement susceptible d’accepter l’assurance russe, au même titre que l’Inde.
Les contraintes commerciales des marchés asiatiques pourraient néanmoins favoriser le plan du G7. La demande en pétrole du marché chinois a connu un ralentissement en raison des confinements à répétition. Platts Analytics prévoit que la demande de pétrole en Chine tombera à 95.000 barils par jour, soit une baisse de 0,6%.
En outre, les exportations de brut russe vers l’Inde et la Chine ont plus que doublé depuis le début du conflit. En conséquence la capacité des raffineurs à traiter des volumes plus élevés de pétrole russe est désormais limitée.
Le plafonnement du prix du pétrole russe, s’il permet d’envisager une réduction des revenus pétroliers de Moscou, reste une mesure aux résultats incertains. L’impact de la mesure dépend largement de la ligne adoptée par les alliés de la Russie et du jusqu’au-boutisme du résident du Kremlin.