Les pays producteurs de pétrole de l’Opep+ ont convenu jeudi d’une nouvelle hausse marginale de leur production d’or noir, confortés par les risques qui pèsent sur la demande sur fond de restrictions anti-Covid en Chine, dans une décision attendue malgré des prix du brut élevés.
Les représentants des treize membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et leurs dix partenaires (Opep+) ont convenu “d’ajuster à la hausse la production totale mensuelle de 432.000 barils par jour pour le mois de juin”, a annoncé l’alliance dans un communiqué après une brève réunion.
Comme les mois précédents, le cartel s’en tient à sa stratégie d’augmentation très graduelle de sa production initiée au printemps 2021, quand l’économie retrouvait des couleurs après les coupes drastiques de brut imposées par le choc de la pandémie. “L’Opep et ses alliés continuent d’assouplir lentement les réductions introduites en 2020 lorsque la demande s’est effondrée”, explique dans une note Fawad Razaqzada, analyste chez City Index et Forex.com.
Et l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui a provoqué une flambée des prix, n’a pas ébranlé les membres de l’alliance, qui refusent d’accélérer le rythme pour tenter d’apaiser le marché. Les cours se sont encore envolés cette semaine après l’annonce d’un projet d’embargo européen sur le pétrole russe.
Jeudi, ils se maintenaient à un niveau élevé: vers 12H10 GMT, le Brent de la mer du Nord, référence de l’or noir en Europe, prenait 1,56% à 111,86 dollars le baril et le WTI américain montait de 1,39% à 109,31 dollars.
La Chine, motif de “prudence”
L’Opep+ a jusqu’à présent résisté aux appels de toutes parts, une prudence désormais renforcée par la situation en Chine.
Largement épargné depuis deux ans, le pays affronte ces dernières semaines sa pire flambée épidémique, qui met à mal sa stratégie zéro Covid.
Pékin a fermé mercredi des dizaines de stations de métro et ses habitants redoutent désormais un confinement, comme à Shanghai, la plus grande ville de Chine avec 25 millions d’habitants où la plupart des cas sont enregistrés.
“Le ralentissement de l’activité en Chine est certainement un facteur justifiant un statu quo de l’Opep+, en dépit de la pression internationale pour augmenter l’offre devant la crise énergétique actuelle”, souligne Ipek Ozkardeskaya, analyste de la banque Swissquote, interrogée par l’AFP.
Pèsent aussi sur le marché les craintes d’un ralentissement économique mondial causé par la guerre en Ukraine. Le Fonds monétaire international (FMI) a fortement abaissé fin avril ses prévisions de croissance mondiale pour 2022 en raison des “ondes sismiques” provoquées par le conflit, notamment de l’inflation galopante qui mine le pouvoir d’achat des consommateurs.
Dans ce climat fébrile, l’Opep+ a révisé à la baisse ses prévisions pour la demande pétrolière globale.
“Attentisme intenable”
Quant aux nouvelles sanctions économiques en projet contre la Russie, elles ne devraient pas rebattre les cartes pour le moment. La Commission européenne préconise dans son sixième paquet de sanctions “une interdiction de tout le pétrole russe, brut et raffiné, transporté par mer et par oléoduc” pour fin 2022, a annoncé sa présidente Ursula von der Leyen au Parlement européen.
Une perspective qui menace l’offre sur un marché déjà tendu. Alors que l’unanimité des 27 est impérative, la Hongrie, très dépendante des livraisons russes, a rejeté le projet “dans sa forme actuelle”. Si toutefois l’Union “parvient à convaincre ses membres de ratifier le plan (…), cela aura un impact énorme sur les exportations de pétrole russe”, met en garde M. Razaqzada.
Pour Stephen Innes, analyste chez Spi Asset Management, l’attentisme de l’Opep+ “devient de plus en plus intenable” et “contraire à la mission” de régulation du marché de cette alliance forgée en 2016.
Mais l’alliance détient-elle vraiment la clé du problème ? Entre manque d’investissements dans les infrastructures pétrolières chez certains pays membres ou problèmes opérationnels, le cartel échoue régulièrement à atteindre ses quotas de production.