À deux jours des élections fédérales, le chef de l’opposition australienne Peter Dutton a dévoilé un projet de 200 milliards $ (186,4 milliards €) visant à construire sept centrales nucléaires d’ici 2050. Cette proposition marque une rupture nette avec l’interdiction de l’énergie nucléaire en vigueur dans le pays depuis 1998, malgré les importantes réserves d’uranium disponibles sur le territoire.
En s’attaquant à la politique énergétique du gouvernement travailliste d’Anthony Albanese, M. Dutton entend mettre fin aux priorités accordées aux énergies renouvelables. Il critique la fiabilité du solaire et de l’éolien et appelle à un recentrage sur des sources dites plus constantes, comme le nucléaire ou le gaz. Son programme prévoit également l’abandon des objectifs climatiques en matière de production renouvelable, avec pour conséquence un possible ralentissement de projets déjà lancés.
Un projet confronté à des arbitrages économiques défavorables
Le Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation (CSIRO), organisme public australien de recherche scientifique, a estimé que le recours au nucléaire coûterait 50 % plus cher que les solutions renouvelables. Selon ses modélisations, aucune centrale ne serait opérationnelle avant une quinzaine d’années. Ces délais remettent en cause l’utilité du nucléaire pour réduire les émissions dans un horizon proche, conformément aux engagements internationaux.
En 2023, les énergies renouvelables représentaient 35 % de la production électrique nationale. Bien que le gouvernement Albanese ait fait des annonces en faveur des énergies vertes, il a également maintenu des permis d’extraction pour le secteur minier, ce qui a suscité des critiques sur la cohérence de sa stratégie.
Des lignes de fracture internes sur les priorités énergétiques
La proposition nucléaire de M. Dutton s’inscrit dans un contexte global marqué par un regain d’intérêt pour l’atome. Trente-et-un pays, dont les États-Unis, la France et le Royaume-Uni, ont annoncé leur intention d’augmenter leur capacité nucléaire d’ici 2050. En Australie, ce positionnement alimente des divergences au sein des institutions et des acteurs du secteur.
Le Clean Energy Council, représentant l’industrie des renouvelables, affirme que la poursuite des investissements dans le solaire, l’éolien et les batteries constitue la meilleure option économique actuelle. Son porte-parole, Chris O’Keefe, rappelle que les centrales au charbon, en fin de vie, doivent être remplacées sans attendre le long cycle de développement du nucléaire.
Un risque de conflit entre politique industrielle et acceptabilité sociale
Des tensions pourraient émerger entre les impératifs de développement industriel et les réalités locales. Dave Sweeney, analyste nucléaire pour l’Australian Conservation Foundation, estime qu’un changement brutal de stratégie entraînerait « dislocation et rupture économiques ». Il met en garde contre l’impact sur les filières existantes et les investissements en cours.
À l’inverse, Kirsty Braybon, juriste spécialiste du droit nucléaire et membre de Nuclear for Australia, juge que l’interdiction actuelle ne correspond plus aux évolutions technologiques. Selon elle, maintenir ce cadre législatif freine l’innovation, l’emploi et la compétitivité du secteur. Elle appelle à lever les barrières juridiques pour permettre à l’Australie de rejoindre les autres économies engagées dans le nucléaire civil.