Le ministre de l’Energie du Qatar a averti mardi que « le pire » était à venir pour les pénuries de pétrole et de gaz en Europe, affirmant qu’un hiver chaud avait permis d’éviter des difficultés plus importantes au cours des derniers mois.
Le riche émirat du Golfe, parmi les premiers exportateurs de gaz au monde, cherche à sceller des contrats de longue durée avec les Etats européens qui, pour la plupart, s’y sont longtemps refusé malgré leur quête effrénée d’alternatives aux hydrocarbures russes. « La seule chose qui a sauvé l’humanité et l’Europe cette année a été un hiver chaud et le ralentissement de l’économie », a déclaré le ministre de l’Energie du Qatar, Saad Al-Kaabi, lors d’un forum à Doha.
Après l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, les Européens redoutaient une pénurie de gaz en raison des sanctions contre Moscou et de la hausse des prix sur les marchés mondiaux. « Si l’économie commence à s’emballer en 2024 à cause d’un hiver normal, je pense que le pire reste à venir », a-t-il estimé. « S’ils n’en prennent pas conscience, s’ils n’ont pas de plan adéquat, s’ils ne diabolisent pas les compagnies pétrolières et gazières et s’ils ne s’assoient pas avec les producteurs », les Européens devront faire face à une « réalité (qui) s’imposera », a-t-il averti.
Le Qatar s’est engagé à développer le champ North Field, qui contient les plus grands gisements de gaz naturel (GNL) au monde, afin de porter sa production à 126 millions de tonnes par an d’ici à 2027. L’ensemble de la production des champs North Field East et North Field South pourrait faire l’objet d’accords à long terme d’ici la fin de l’année, a déclaré M. Kaabi. « Il est possible que nous n’ayons plus de gaz provenant du NFE et du NFS d’ici la fin de l’année, en ce qui concerne les contrats à long terme », a-t-il assuré.
« Pas d’acheteurs »
Le Qatar avait annoncé fin 2022 un important accord permettant d’approvisionner l’Allemagne en GNL pendant 15 ans, après des négociations difficiles les Européens rechignant à signer des accords de longue durée comme l’émirat le fait avec les pays asiatiques. Le ministre saoudien de l’Energie, le prince Abdelaziz ben Salmane, a également estimé que l’Europe avait été « sauvée par un don de Dieu » l’hiver dernier, et que la sécurité énergétique mondiale était menacée par les « politiques de la fuite en avant », en référence aux considérations environnementales opposées aux hydrocarbures.
« La sécurité énergétique est entravée. Nous manquons de capacité, car les pays n’investissent pas dans le pétrole et le gaz », a ajouté le ministre saoudien, la monarchie du Golfe étant le premier exportateur d’or noir au monde. « On parle d’hydrogène bleu, vert, violet, rose, mais en fin de compte, qui sera preneur? Quel sera le prix? », a-t-il ironisé. « Nous ne parlons pas de pétrole, ni de gaz. Nous parlons du soi-disant carburant le plus propre et le plus vert de l’avenir. Et pourtant, il n’y a pas d’acheteurs », a-t-il fustigé.
Les pays du Golfe mettent largement en avant des politiques de décarbonation mais insistent régulièrement sur l’importance d’investir davantage dans le gaz et le pétrole pour répondre à la demande mondiale. Les Emirats arabes unis, qui accueillent cette année la conférence de l’ONU sur le climat (COP 28) appellent eux aussi à promouvoir les politiques de captages de CO2 émis par l’industrie des hydrocarbures au lieu de s’en remettre aux énergies vertes.