La récente expédition de 112 000 barils de coke de pétrole de la raffinerie Olmeca de Petróleos Mexicanos (Pemex) vers l’Inde marque la première sortie officielle de ce complexe. Inaugurée en juillet 2022, la raffinerie de Dos Bocas, située dans l’État de Tabasco, a été présentée comme un projet central pour la souveraineté énergétique du Mexique. Néanmoins, son développement a été marqué par de nombreux obstacles techniques et financiers, portant le coût total du projet de 8 milliards à 16,8 milliards de dollars.
Cette exportation, bien que modeste par rapport à la capacité totale de production de 340 000 barils par jour (b/j), représente un signal positif de la montée en puissance de la raffinerie. Le coke de pétrole, sous-produit de la distillation du pétrole brut, est principalement utilisé dans les centrales électriques et les industries lourdes telles que la sidérurgie. La destination choisie, le port de Dahej dans l’État du Gujarat en Inde, est un hub industriel stratégique pour le commerce de matières premières industrielles, ce qui montre une orientation claire vers le marché asiatique.
Un projet controversé aux enjeux multiples
L’ambition de cette raffinerie est de réduire la dépendance énergétique du Mexique vis-à-vis des importations de carburants, principalement en provenance des États-Unis. Le président Andrés Manuel López Obrador, qui a fait de la construction de cette raffinerie un pilier de sa politique énergétique, quitte son poste ce mois-ci, laissant le projet dans les mains de son successeur Claudia Sheinbaum. Cette dernière devra relever le défi de rendre cette infrastructure rentable et pleinement opérationnelle malgré ses retards. Les difficultés d’intégration des différentes unités de production, soulignées par les problèmes d’interconnexion rapportés en août 2024, risquent de freiner le démarrage complet des opérations.
La production actuelle se limite pour l’instant à du diesel et du coke de pétrole, avec des tests en cours pour ajuster la qualité de ces produits à des normes compatibles avec les marchés internationaux. Cependant, ces premières ventes restent en deçà des promesses de production initiales, où le gouvernement espérait un rendement significatif en carburants automobiles dès 2024.
Défis techniques et perspectives commerciales
Le principal obstacle technique pour Pemex réside dans l’optimisation du procédé de cokéfaction, un processus complexe qui transforme le pétrole résiduel en coke de pétrole. Cette unité est actuellement en phase de test, ce qui explique la faible production en comparaison de la capacité nominale de la raffinerie. La stratégie de Pemex de cibler le marché indien est une décision pragmatique, le pays étant l’un des plus grands consommateurs de combustibles industriels en raison de sa demande énergétique croissante. Cependant, les marges de ce marché sont sous pression, notamment face à la concurrence des producteurs du Moyen-Orient et de Russie.
À plus long terme, l’objectif de la raffinerie est de produire des carburants raffinés destinés aux marchés nord-américain et européen, à condition que les défis d’optimisation de production soient surmontés. La complexité de la synchronisation des unités de production pourrait retarder cet objectif de plusieurs mois, voire années, si les investissements supplémentaires nécessaires pour stabiliser les opérations ne sont pas réalisés rapidement.
Conséquences pour la stratégie énergétique mexicaine
L’Olmeca est une composante essentielle de la politique énergétique de López Obrador, visant à renforcer la souveraineté énergétique du Mexique en réduisant les importations de carburants raffinés. Le Mexique dépend actuellement de raffineries américaines pour plus de 60 % de ses besoins en essence et en diesel. Si la raffinerie atteint ses objectifs de production, elle pourrait réduire cette dépendance de manière significative, générant ainsi des économies substantielles sur le long terme. Néanmoins, les coûts exorbitants du projet représentent un fardeau financier important pour Pemex, qui affiche déjà la plus grande dette parmi les compagnies pétrolières d’Amérique latine.
L’administration de Claudia Sheinbaum devra faire preuve de prudence dans la gestion de cet actif pour éviter qu’il ne devienne une source de pertes continues. Le contexte financier délicat de Pemex, avec des dettes approchant les 110 milliards de dollars, rend toute expansion ou optimisation de la raffinerie particulièrement sensible. Les marchés financiers surveillent de près les performances de cette infrastructure, car tout nouveau retard ou dépassement de coût pourrait déclencher des révisions à la baisse des notations de crédit de la compagnie.
La première exportation de coke de pétrole par la raffinerie Olmeca est un pas symbolique mais crucial pour Pemex, alors que le Mexique tente de réorienter sa stratégie énergétique sous la nouvelle administration. Si cette infrastructure parvient à surmonter ses défis actuels, elle pourrait non seulement réduire la dépendance du Mexique aux importations de carburants, mais également positionner le pays comme un exportateur clé de combustibles industriels vers l’Asie. Néanmoins, les risques opérationnels et financiers demeurent élevés, ce qui nécessitera une attention soutenue pour sécuriser l’avenir de cette ambitieuse initiative.