Le partenariat Russie-OPEP risque d’imploser si les divergences de points de vue au sein de l’alliance OPEP+ persistent. La résurgence du schiste américain, si les prix du pétrole augmentent, pourrait aussi jouer un rôle fondamental. Le rôle premier de l’OPEP+ étant, justement, de stabiliser les prix du pétrole. Pour ainsi préserver les intérêts des membres de l’OPEP, et de la Russie. Pour l’heure, cet objectif se trouve largement atteint malgré le contexte lié à la situation sanitaire.
Le partenariat Russie-OPEP stabilise les prix du pétrole mondiaux
Le partenariat Russie-OPEP (organisation des pays producteurs de pétrole) constitue au premier chef une réponse à l’arrivée massive de pétrole de schiste américain sur les marchés. Forts de cette production non-conventionnelle, les États-Unis ont augmenté leur production de 4 millions de barils par jour. Cette hausse a eu pour conséquence d’affaiblir considérablement l’influence de l’OPEP sur les marchés pétroliers.
Ainsi, la part de marché de l’organisation est passée sous la barre symbolique des 40 % à partir de 2016. Pour l’OPEP, il s’agissait dès lors de trouver de nouveaux alliés afin de renforcer son influence sur les prix. La Russie représentant presque 10 % de la production mondiale, elle constitua un allié de poids pour l’organisation. Cette alliance permit de facto un rétablissement des prix aux alentours des 60-70 dollars le baril.
50% du budget fiscal russe dépend des évolutions des prix pétro-gaziers
Pour la Russie, l’alliance avec l’OPEP représente un changement stratégique de direction dans un contexte de baisse des prix. Pendant longtemps, Moscou a refusé tout rapprochement avec l’OPEP par crainte de devoir réduire sa production. Avec l’arrivée du pétrole de schiste américain, à partir de 2014, cette position devenait intenable d’un point de vue financier.
Rappelons que le pétrole constitue la première source de recette fiscale pour la Russie. Près de 50% du budget fiscal russe dépend ainsi de l’évolution des prix du pétrole et du gaz. En s’alliant avec l’OPEP, Moscou comptait ainsi rétablir ses finances et garantir la pérennité de ses programmes sociaux.
L’OPEP+ à l’épreuve de la crise sanitaire
Le partenariat Russie-OPEP repose donc sur l’intérêt des deux parties à coopérer pour stabiliser les prix du pétrole, et par ricochet du gaz. Or, cet intérêt commun va se trouver testé dès le début de la crise du Covid-19 en mars 2020.
En désaccord sur la stratégie à adopter, les deux partenaires vont se lancer dans une guerre des prix dévastatrice. Finalement, les deux parties vont s’accorder sur une réduction historique de la production de 9,7 millions de barils par jour.
Cet accord a montré toute la résilience de l’alliance Russie-OPEP en période de crise. Pour l’OPEP, l’intégration de la Russie dans les plans de réduction était indispensable au niveau de sa cohésion interne. En effet, l’organisation ne pouvait s’assurer du respect des quotas de production sans un partage du fardeau avec la Russie. Cette dernière a ainsi accepté une baisse de sa production de près de 2 millions de barils par jour.
Un partenariat qui pour l’heure satisfait tout le monde
L’alliance entre la Russie et l’OPEP semble pour l’heure satisfaire l’ensemble des parties. Depuis avril 2020, les deux parties ont ainsi réussi à rééquilibrer les marchés pétroliers menacés d’effondrement par la pandémie. Une des forces de l’alliance repose notamment sur la flexibilité des décisions prises avec l’établissement de réunions mensuelles. Cela permet de donner de la souplesse au partenariat afin de répondre au mieux à l’incertitude de la demande.
La crise du Covid-19 a également poussé la Russie et l’OPEP à faire des compromis pour sauver l’alliance. Moscou a ainsi accepté de forcer ses compagnies pétrolières à réduire leur production malgré des effets techniques sur les puits. L’hiver russe engendre effectivement des détériorations d’équipement si les forages ne se trouvent pas en activité. Dès lors, en réduisant volontairement sa production, la Russie envoie un signal extrêmement fort en faveur de l’alliance.
Une alliance de plus en plus fragile
Le partenariat Russie-OPEP a donc permis de stabiliser les prix et a montré sa résilience durant la crise. Pourtant, on peut s’interroger quant à la durabilité de l’alliance une fois la crise sanitaire terminée. Les deux parties possèdent en effet des intérêts divergents sur le long-terme sur plusieurs points clés.
Tout d’abord, la Russie ne possède pas de capacités de réserve contrairement au leader de l’OPEP, l’Arabie Saoudite. Ce point est essentiel, car la Russie ne peut réduire sa production sans endommager une partie de ses forages. C’est pourquoi elle s’est vue exemptée des derniers quotas de l’OPEP+ lui permettant d’augmenter sa production de 130.000 barils. Cette situation est problématique pour l’OPEP, car elle transfère à l’organisation la quasi-totalité du partage du fardeau.
Divergences sur la fixation des prix du baril
Autrement dit, la position russe créé des tensions croissantes au sein de l’OPEP dans l’application des quotas de production. À cela s’ajoute le fait que les deux parties possèdent des intérêts divergents en matière de prix. Ainsi, l’Arabie Saoudite a besoin d’un prix du baril à 80 dollars afin d’équilibrer son budget. Cela s’explique par la dépendance absolue du royaume aux recettes fiscales liées aux exportations de brut.
À l’inverse, la Russie équilibre son budget avec un prix du baril de l’ordre de 40-45 dollars. Pour Moscou, un prix trop élevé entraînerait même la résurgence des producteurs de schiste américains. Il s’agit là d’un point fondamental de divergence avec l’OPEP, la Russie étant opposée aux objectifs de prix de l’organisation. En cas de retour sur le marché des producteurs non-conventionnels américains, cette dichotomie risque ainsi de faire éclater l’alliance.
En conséquence, si le partenariat Russie-OPEP semble solide, des divergences importantes existent menaçant de faire exploser l’alliance. Pour l’heure, le partenariat tient surtout par la nécessité d’une approche commune face à la crise du Covid-19. Celle-ci terminée, les questions de partage du fardeau ainsi que le niveau de prix acceptable testeront la solidité de l’alliance.