Oxford Institute : Le CCU émerge comme levier économique dans les secteurs difficiles à décarboner

Les technologies de Capture, Utilisation et Stockage du Carbone (CCU) prennent de l’ampleur dans les secteurs industriels difficiles à décarboner, offrant des solutions innovantes et économiquement viables. Le rapport du Oxford Institute for Energy Studies explore ces nouvelles voies.

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Le secteur énergétique et industriel mondial est en pleine transformation alors que la pression pour atteindre des objectifs climatiques de plus en plus ambitieux pousse à repenser les méthodes de gestion des émissions de CO2. Parmi les technologies émergentes, la Capture, Utilisation et Stockage du Carbone (CCU) émerge comme un levier stratégique permettant à la fois de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de soutenir la croissance industrielle dans des secteurs clés tels que la production de ciment, d’acier ou de produits chimiques. Un rapport récemment publié par l’Oxford Institute for Energy Studies (OIES) propose un tour d’horizon détaillé des voies actuelles et émergentes du CCU, en examinant les possibilités économiques et les défis à surmonter.

Le CCU : une solution circulaire pour l’industrie

La Capture, Utilisation et Stockage du Carbone (CCU) repose sur l’idée de capter le dioxyde de carbone (CO2) émis par les industries et de le transformer en un produit utile ou de l’utiliser dans des processus industriels. Contrairement à la séquestration du carbone (CCS), qui consiste à stocker le CO2 de manière permanente, le CCU cherche à le réutiliser, créant ainsi une boucle circulaire de réintroduction du carbone dans le cycle économique.

Bien que le CCU soit encore en phase de maturation, il est de plus en plus reconnu comme un élément essentiel de la stratégie globale de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le secteur des matériaux de construction, par exemple, fait appel à des technologies permettant d’injecter du CO2 dans le béton, augmentant sa résistance tout en capturant le carbone à long terme. Par ailleurs, la conversion du CO2 en biochar ou en combustibles de synthèse (e-fuels) est une autre voie prometteuse, non seulement pour réduire les émissions, mais aussi pour créer de nouveaux marchés.

Les technologies matures et leurs applications actuelles

Aujourd’hui, les applications les plus matures du CCU incluent principalement l’utilisation du CO2 dans la production d’urée et d’autres produits chimiques. Le secteur de l’amélioration de l’extraction pétrolière, avec l’utilisation du CO2 pour stimuler la production d’hydrocarbures dans des réservoirs épuisés (Enhanced Oil Recovery, EOR), est également un marché important, bien qu’il soit controversé en raison des émissions supplémentaires liées à la combustion du pétrole ainsi extrait.

L’urée, qui représente près de 57 % de l’utilisation actuelle du CO2, est principalement utilisée dans la fabrication d’engrais. Toutefois, ce processus n’implique pas de stockage permanent du carbone, car le CO2 est généralement relâché dans l’atmosphère après l’utilisation. Bien que cette voie soit jugée mature, elle ne constitue pas une solution à long terme pour atteindre la neutralité carbone. Les volumes de CO2 concernés sont importants, mais l’impact sur la réduction des émissions à l’échelle mondiale reste limité par le fait qu’aucun mécanisme de stockage à long terme n’est mis en place.

Les nouvelles voies de CCU : Biochar, matériaux de construction et e-fuels

Biochar et agriculture : un levier efficace pour capturer le carbone

Le biochar est un produit dérivé du CO2 qui gagne en popularité dans le domaine de l’agriculture. Produit par pyrolyse de biomasse à haute température, le biochar peut être utilisé pour améliorer la structure du sol, augmenter les rendements agricoles et, par la même occasion, stocker du carbone de manière stable pendant des décennies, voire des siècles. Lorsqu’il est utilisé comme amendement de sol, le biochar offre une solution à faible coût et hautement scalable pour la séquestration du carbone. Selon des estimations, le biochar pourrait réduire les émissions mondiales de CO2 de jusqu’à 2,2 GtCO2 par an.

De plus, le biochar présente l’avantage d’être produit à partir de biomasse disponible localement, ce qui en fait une solution adaptable dans de nombreuses régions du monde. L’utilisation de biochar dans les sols permet de stabiliser le carbone issu de la décomposition des matières organiques, qui serait autrement relâché dans l’atmosphère sous forme de CO2.

Les matériaux de construction : réduire les émissions du secteur du béton

Le secteur de la construction, en particulier la production de béton, est responsable d’environ 8 % des émissions mondiales de CO2. Cependant, une des solutions émergentes consiste à injecter du CO2 dans le béton lors de sa production, ce qui permet non seulement de stocker le CO2 de manière permanente mais aussi d’améliorer les propriétés physiques du béton, comme sa résistance. Cette méthode pourrait réduire les émissions liées à la production de béton de 30 à 40 %, ce qui représente un énorme potentiel de décarbonation pour l’industrie.

Des entreprises expérimentent déjà des processus de minéralisation du CO2 dans les matériaux de construction, en particulier dans les pays où la demande pour le béton est élevée, notamment les États-Unis, la Chine et l’Inde. Le développement de technologies permettant d’injecter du CO2 capturé dans des installations proches de celles de la production de béton pourrait générer des économies d’échelle importantes.

Les e-fuels : vers des combustibles de synthèse plus durables

Les e-fuels, ou combustibles de synthèse, sont une autre voie importante dans le cadre de l’utilisation du CO2. Ces carburants sont produits par la conversion de CO2 capturé avec de l’hydrogène renouvelable, créant ainsi des carburants comme le méthanol ou l’éthanol, qui peuvent être utilisés dans les moteurs thermiques. Bien que cette technologie soit encore en phase de développement, les e-fuels présentent l’avantage d’être compatibles avec les infrastructures de transport existantes, notamment dans les secteurs du transport aérien et maritime, où les alternatives sont plus difficiles à déployer.

Cependant, la production d’e-fuels nécessite une quantité considérable d’énergie, et les coûts actuels de production sont encore très élevés, jusqu’à trois fois plus que les carburants fossiles traditionnels. Des politiques incitatives, comme les subventions ou les crédits carbone, pourraient permettre de réduire ces coûts à mesure que les technologies se développent et se commercialisent.

Les défis à surmonter pour une adoption à grande échelle du CCU

Malgré les perspectives prometteuses, le CCU fait face à plusieurs défis majeurs qui freinent son adoption à grande échelle. Le premier d’entre eux reste le coût élevé des technologies actuelles, notamment celles liées à la capture du CO2 et à sa conversion en produits utiles. La compétitivité des e-fuels, par exemple, dépendra largement de la réduction des coûts de production de l’hydrogène vert et de l’électricité renouvelable.

En outre, la disponibilité de CO2 capturé et l’infrastructure nécessaire à son transport représentent un obstacle majeur pour de nombreuses applications de CCU. Le développement de réseaux de pipelines et de hubs de stockage ou d’utilisation du CO2 sera crucial pour permettre aux entreprises de décarboner leurs processus à moindre coût.

Réglementations et politiques publiques : un rôle clé pour soutenir le CCU

Les politiques publiques joueront un rôle déterminant dans le développement du marché du CCU. L’instauration de taxes sur le carbone ou de systèmes de crédits carbone pourrait encourager les industries à adopter ces technologies de manière plus proactive. Certaines régions, comme l’Union Européenne ou la Californie, ont déjà mis en place des mécanismes de tarification du carbone qui pourraient favoriser le déploiement de technologies CCU. L’implémentation de normes minimales de contenu en CO2 pour certains secteurs, comme la construction, pourrait également stimuler la demande pour des produits décarbonés.

Le futur du CCU : perspectives et opportunités de marché

À mesure que les technologies de CCU mûrissent, le marché pour les produits dérivés du CO2 devrait croître de manière significative, notamment dans les secteurs de l’agriculture, des matériaux de construction et des combustibles de synthèse. Le marché des produits chimiques dérivés du CO2, par exemple, pourrait atteindre jusqu’à 40 milliards de dollars d’ici 2045, avec une réduction annuelle des émissions de 12 000 MtCO2. Cependant, pour que le CCU atteigne son plein potentiel, une coordination mondiale sera nécessaire, avec un alignement des politiques, des investissements en infrastructure et des efforts de recherche pour améliorer l’efficacité des technologies.

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