Une guerre en Ukraine qui fait toujours rage mais des prix qui refluent sous l’effet des confinements en Chine : l’alliance de l’Opep+ aborde sa traditionnelle réunion mensuelle avec une moindre pression pour ouvrir largement ses vannes de brut.
Comme presque chaque début de mois depuis l’éclosion de la pandémie de Covid-19, les treize membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), menés par Ryad, et leurs dix partenaires conduits par Moscou (Opep+) se retrouvent jeudi par visioconférence pour faire d’éventuels ajustements sur leur production.
Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février, qui a dopé les cours sur fond de craintes pour l’offre et de discussions d’un embargo sur le pétrole russe, les appels se sont multipliés pour que le cartel soulage le marché. Sans succès jusqu’à présent et, cette fois, l’Opep+ aura un nouvel argument pour justifier le statu quo, alors que la demande en or noir s’effrite.
Selon de nombreux analystes, l’Opep+, alliance qui a vu le jour en 2016 pour réguler le marché, devrait donc s’en tenir une fois encore à une augmentation marginale du volume total, d’environ 400.000 barils par jour. Il s’agirait ainsi de la continuité de la stratégie de réouverture modeste de ses robinets, initiée en mai 2021 dans un contexte de reprise, après des coupes drastiques pour surmonter le choc de la pandémie.
Inflation et Covid
Depuis le 31 mars, dernière réunion du cartel, les cours sont restés dans la même fourchette, oscillant entre 97 et 115 dollars pour le Brent de la mer du Nord, référence de l’or noir en Europe, et entre 92 et 110 dollars pour le WTI américain.
Les récentes baisses de prix ont été déclenchées par “les craintes que les confinements dus au coronavirus en cours en Chine puissent sérieusement freiner la demande de pétrole dans ce pays”, explique Carsten Fritsch, analyste chez Commerzbank.
La Chine affronte sa pire flambée épidémique depuis le printemps 2020 et a pris des mesures drastiques, en particulier dans la métropole de Shanghai, dont les 25 millions d’habitants sont contraints de rester chez eux depuis un mois. Or le pays est le deuxième plus grand consommateur et le plus grand importateur de pétrole brut au monde.
Pèsent aussi sur le marché les craintes d’un ralentissement économique mondial causé par la guerre en Ukraine. Le Fonds monétaire international (FMI) a fin avril fortement abaissé ses prévisions de croissance mondiale pour 2022 en raison des “ondes sismiques” provoquées par le conflit, notamment de l’inflation galopante qui mine le pouvoir d’achat des consommateurs. Dans ce climat fébrile, l’Opep+ a révisé à la baisse ses prévisions pour la demande pétrolière globale.
Resserrement de l’offre
Le marché reste cependant toujours tendu, “les membres de l’Opep+ peinant à atteindre leurs objectifs de production”, même modestes, rappelle John Plassard, analyste chez Mirabaud.
Dotée des réserves les plus abondantes d’Afrique, la Libye est en proie à une longue et grave crise politico-institutionnelle qui a entraîné le blocage de sites pétroliers. La Compagnie nationale de pétrole (NOC), seule autorisée à commercialiser le brut libyen, a annoncé mi-avril l’arrêt des opérations dans deux importants terminaux pétroliers et la fermeture de nombreux gisements.
Dans un entretien accordé à l’AFP, le ministre du Pétrole et du Gaz Mohamad Ahmad Aoun avait fait état d’une baisse de la production “d’environ 600.000 barils par jour”, soit la moitié de son niveau quotidien.
Autre élément susceptible de malmener le marché, l’Union européenne discute d’un arrêt progressif de ses achats d’or noir à Moscou afin de tarir les financements européens pour la guerre menée par le Kremlin. En 2021, la Russie a fourni aux Vingt-Sept 30% du brut et 15% des produits pétroliers.
Cet arrêt “qui paraît de plus en plus probable”, combiné à une alliance Opep+ qui ne semble pas prête à accélérer le rythme de production, “va restreindre l’offre et donc maintenir les prix du pétrole à un niveau élevé”, estime Han Tan, analyste pour Exinity Group.