Depuis son entrée à Matignon, Michel Barnier a fréquemment évoqué les concepts de « dette publique » et de « dette écologique ». Alors que la dette publique d’un État est une notion définie et quantifiable, atteignant 3 230 milliards d’euros pour la France fin juin, la dette écologique demeure moins claire.
La dette écologique est apparue dans les années 1980, initialement pour décrire l’obligation morale des pays du Nord envers ceux du Sud, en raison de l’exploitation passée des ressources naturelles. Alexandre Rambaud, enseignant-chercheur et codirecteur de la chaire Comptabilité écologique à la Fondation AgroParisTech, souligne que cette idée visait à justifier l’effacement partiel des dettes financières des nations du Sud, bien que cela ait eu un impact limité.
La Quantification de la Dette Écologique
Clément Morlat, coordinateur scientifique de la chaire Comptabilité écologique, affirme qu’il est crucial de mesurer la dette écologique. En évaluant l’état de santé des écosystèmes et leur équilibre, il est possible de déterminer une « dette biophysique ». Par exemple, la directive-cadre européenne sur l’eau utilise divers indicateurs pour évaluer la santé des masses d’eau en Europe, comme le nombre de certaines espèces de poissons.
Pour les sols, la mesure des substances chimiques ou le taux de tassement permet de juger de la dégradation écologique. Selon Morlat, si l’insolvabilité écologique est atteinte, des mesures correctives sont nécessaires pour rétablir l’équilibre, telles que laisser reposer le sol ou instaurer une couverture végétale. Ces actions impliquent des coûts monétaires, traduisant la dette biophysique.
Réduire la Dette Écologique et la Dette Publique
Lucile Schmid de La Fabrique Écologique met en lumière le défi de réduire simultanément la dette écologique et la dette publique. Selon elle, investir pour transformer les systèmes économiques rend difficile la réduction de ces deux types de dettes de manière concomitante.
Le rapport de Jean Pisani-Ferry, économiste, et Selma Mahfouz, inspectrice générale des Finances, publié en mai 2023, estime que des investissements publics et privés supplémentaires de 66 milliards d’euros par an sont nécessaires jusqu’en 2030 pour la transition écologique, englobant climat et biodiversité. Pisani-Ferry considère cet endettement comme « légitime », soulignant qu’il est justifié par l’urgence climatique, contrairement à d’autres motifs d’endettement.
Enjeux de Justice Sociale
La réduction de la dette écologique doit également intégrer des considérations de justice sociale. Lucile Schmid insiste sur l’importance de mesures ciblées pour assurer que les efforts de réduction de la dette écologique bénéficient équitablement à toutes les couches de la société, évitant ainsi des inégalités accrues.