Le régulateur britannique de l’énergie, Ofgem, a approuvé un plan d’investissement de 28 Md£ ($35.3bn) destiné aux infrastructures énergétiques pour la période 2026-2031. Ce programme s’inscrit dans le cadre du cycle réglementaire RIIO-3 (Revenue = Incentives + Innovation + Outputs), qui détermine les revenus autorisés des opérateurs de réseau en fonction de leur performance.
Un équilibre stratégique entre gaz et électricité
Le financement approuvé se répartit entre 17,8 Md£ pour la maintenance et l’extension des réseaux gaziers, et 10,3 Md£ pour les réseaux électriques à haute tension. Il s’agit de la plus vaste extension de réseau depuis les années 1960. Ces investissements constituent une première tranche d’un programme d’infrastructure pouvant atteindre 90 Md£ ($113.5bn) à l’horizon 2031.
Cette décision vise à répondre aux prévisions du National Energy System Operator (NESO), qui estime à 58 Md£ les besoins de renforcement du réseau pour raccorder les projets renouvelables. L’enjeu central est d’accélérer les interconnexions onshore et offshore, dans un contexte européen marqué par plus de 1 700 GW de projets en attente de raccordement.
Une gouvernance resserrée et un cadre contraignant
Les bénéficiaires principaux sont National Grid Electricity Transmission, National Gas, SP Transmission (filiale d’Iberdrola) et la branche transmission de SSE. Ces acteurs opèrent sous un régime de revenus régulés, avec des obligations de performance renforcées imposées par Ofgem.
Les entreprises concernées devront démontrer leur capacité à livrer les projets dans les délais, sous peine de pénalités financières. Ofgem met l’accent sur la maîtrise des coûts, la qualité de service et l’innovation technique. Le programme impose également des exigences accrues en matière d’acceptabilité locale pour les nouvelles lignes et postes électriques.
Conséquences tarifaires et arbitrage politique
L’impact estimé sur les ménages est de +108 £ par an à l’horizon 2031, réparti entre 48 £ pour le gaz et 60 £ pour l’électricité. Ofgem anticipe toutefois une réduction de 80 £ sur les coûts système, ce qui ramènerait l’impact net à 30 £ par an. Ce positionnement permet au régulateur de présenter la hausse comme un ajustement à coût total constant.
La décision intervient dans un contexte politique tendu, alors que le gouvernement britannique avait promis une baisse des factures d’énergie. Des groupes de consommateurs et des ONG ont exprimé leur inquiétude face au transfert du coût des investissements vers les ménages, tandis que les opérateurs défendent la nécessité de moderniser un réseau sous-dimensionné.
Répercussions industrielles et financières
Les valeurs boursières des entreprises concernées ont reculé après l’annonce, traduisant une prudence des marchés face à la rentabilité des actifs régulés. L’augmentation attendue du RAB (Regulated Asset Base) génère des flux futurs stables, mais sous condition de performance et de contrôle des coûts.
Le programme ouvre un cycle d’opportunités pour la filière industrielle, notamment dans les domaines de l’ingénierie, des câbles haute tension (HVDC), des transformateurs et des interconnexions. Les capacités de la supply chain seront déterminantes, en particulier pour éviter des retards et des surcoûts dans un environnement déjà contraint.
Renforcement de la sécurité énergétique et alignement européen
L’objectif stratégique de ces investissements est de limiter la dépendance au gaz importé en accélérant le raccordement des énergies renouvelables. La réduction des congestions réseau et des coûts de redispatching pourrait se traduire par des économies structurelles sur le long terme.
Le Royaume-Uni s’aligne ainsi sur les stratégies des États européens qui choisissent d’investir massivement dans les interconnexions pour lever les goulots d’étranglement. Cette approche renforce la position du pays auprès des investisseurs internationaux dans le secteur des infrastructures énergétiques.