A quelle(s) énergie(s) tournera la France de demain? Les Français sont invités à débattre dans les prochaines semaines de la construction de nouveaux réacteurs nucléaires et plus largement sur les choix énergétiques du pays.
Même si la mobilisation du public est la première inconnue, tant le gouvernement peut donner l’impression d’avoir tranché.
A compter de jeudi, la Commission nationale du débat public (CNDP) lance un débat sur la construction de six nouveaux réacteurs nucléaires EPR, une obligation légale pour EDF, alors qu’une autre concertation gouvernementale générale sur l’énergie a commencé le 20 octobre.
Car la France est à l’aube de choix de société qui vont l’engager pour des décennies: afin de lutter contre le réchauffement climatique et de parvenir à la neutralité carbone en 2050, le pays doit sortir des énergies fossiles, en recourant à plus d’électricité.
Comment faire? Alors qu’en France, environ 70% du courant vient aujourd’hui du nucléaire mais que le parc de centrales vieillit, le gouvernement veut lancer un programme de six réacteurs de nouvelle génération EPR, avec une option pour huit autres, tout en développant les renouvelables (solaire et éolien marin surtout).
La consultation qui a commencé le 20 octobre et doit durer jusqu’au 31 décembre, avait été promise par Emmanuel Macron en février quand il avait annoncé la relance du nucléaire à Belfort.
Elle se déroulera via une plateforme participative en ligne (concertation-energie.gouv.fr) et plusieurs réunions régionales en présentiel, ainsi qu’un “forum des jeunesses” réunissant 200 jeunes mi-janvier.
Lundi, le site avait déjà recueilli plus de 4.000 contributions.
Trois questions sont sur la table: comment adapter notre consommation? Comment satisfaire nos besoins énergétiques tout en sortant de notre dépendance aux énergies fossiles? Comment planifier et financer notre transition énergétique?
Cette concertation bénéficiera du suivi de quatre garants de la Commission nationale du débat public (CNDP), autorité administrative indépendante qui a conseillé le gouvernement sur son organisation.
– “Le jeu est ouvert” –
Le débat public sur les EPR, se tiendra lui jusqu’au 27 février, en Normandie – la construction des deux premiers EPR étant prévus à Penly (Seine-Maritime) – mais aussi à Lyon, Lille, Tours..
Dix thèmes jalonneront les réunions, dont la première sera en duplex à Dieppe et Paris: “impacts sur le territoire”, “leçons du premier EPR”, “incertitudes climatiques et géopolitiques”, mais aussi “avons-nous besoin d’un nouveau programme nucléaire?”.
Les réflexions pourront s’appuyer sur plusieurs scénarios à 2050 produits par le gestionnaire du réseau à haute tention RTE et par l’Ademe.
Tous incluent une poussée des énergies renouvelables (solaire, éolien…), avec une part variable de nucléaire, démarrant à zéro et accompagnée de fortes mesures de sobriété.
Ces débats interviennent alors que le Parlement doit voter au plus tard en 2024 la feuille de route énergétique de la France (fixant notamment la part de chaque énergie). La synthèse des deux débats sera versée aux travaux parlementaires.
Sans attendre, le gouvernement a annoncé en septembre deux projets de loi d’accélération, l’un des renouvelables et l’autre du nucléaire.
Dans ces conditions, comment susciter une large mobilisation du public ? Les conclusions de ces débats pourront-elles éventuellement changer ces orientations ?
Pour Jean-Claude Delalonde, président de l’Anccli, la fédération des Commissions locales d’information, installées autour de chaque centrale en France, il faudra “écouter les interrogations”.
“Le débat public va être lancé alors que le gouvernement a déjà décidé de faire six réacteurs!”, s’agace-t-il.
Au ministère de la Transition énergétique, on répond que les “grands axes ont été brossés par le président Emmanuel Macron (…) mais il y a la question du comment. C’est ce qui est au coeur de cette concertation: définir plus précisément la manière dont on va détailler cette politique”.
Chantal Jouanno, présidente de la CNDP, insiste: “le jeu est ouvert”, avec un Parlement très composite. Pour elle, l’enjeu de la publicité faite autour de ces consultations sera crucial.
Au ministère, on annonce une campagne de communication: “l’énergie a rarement été autant au coeur des débats, donc on pense et on espère qu’il y aura une appétence pour ces débats, en tout cas on fera tout pour”.