Le nucléaire chinois inquiète la communauté internationale au moment où la Chine construit deux réacteurs nucléaires sur l’île de Changbiao. Les deux surgénérateurs vont produire du plutonium nécessaire à la production de nucléaire militaire. Les États-Unis sont sous tension.
Le nucléaire chinois entre civil et militaire
Les deux réacteurs dits CFR (China Fast Reactor) doivent entrer en service respectivement en 2023 et en 2026. Il s’agit de surgénérateurs, c’est-à-dire des réacteurs produisant plus d’énergie qu’ils n’en utilisent. Contrairement à la plupart des autres réacteurs, ils sont refroidis grâce à du sodium liquide et non à l’eau.
Les deux réacteurs de Changbiao produisent du plutonium, qui peut être reconditionné et utilisé comme source d’énergie pour d’autres réacteurs nucléaires. Cependant, le plutonium sert aussi pour le nucléaire militaire, en entrant par exemple dans la confection d’armes à tête nucléaires.
Les experts du nucléaire craignent un usage militaire
Le premier point d’inquiétude concerne le programme de recherche pour des surgénérateurs. En effet, ce type de programme de recherche a depuis longtemps été abandonné par la majeure partie des autres pays du monde. Les surgénérateurs à plutonium sont réputés très coûteux et peu rentables par rapport aux réacteurs classiques.
C’est aussi l’avis de Frank von Hippel, directeur de recherche en physique nucléaire à Princeton. Selon lui :
« l’absence de transparence de la Chine commence à éveiller l’inquiétude parmi les experts de la non prolifération et les gouvernements à travers le monde ».
Ce dernier souligne également que les surgénérateurs sont les solutions les moins rentables pour produire de l’énergie à partir du nucléaire.
Les Chinois entretiennent l’opacité face à l’IAEA
Une autre source d’inquiétude vient de l’opacité des rapports sur le nucléaire fournis par la Chine à l’Agence internationale de l’Énergie atomique (IAEA). En effet, la plupart des pays utilisant du nucléaire civil font état chaque année de leur programme civil à l’IAEA. Or, la Chine n’a produit aucun rapport depuis 2017, jetant le doute sur la volonté de l’État de développer un programme nucléaire uniquement civil.
Les experts de l’agence de non prolifération américaine estiment d’ailleurs que la Chine pourrait être engagée dans un large programme de construction d’armes nucléaires. Le résultat pourrait faire doubler la taille de l’arsenal nucléaire actuel de Pékin.
La Chine met en avant sa volonté d’accélérer sa transition énergétique
De son côté, la Chine met surtout en avant la volonté d’accélérer la transition énergétique par le biais du nucléaire civil. L’État chinois s’est ainsi engagé à respecter un objectif de neutralité carbone d’ici à 2060.
Actuellement, seul 4,9% de l’énergie chinoise provient du nucléaire. Les autorités chinoises estiment que l’énergie nucléaire pourrait d’ici à 2070 fournir au moins 13% des besoins énergétiques du pays.
La voie diplomatique apparaît nécessaire mais délicate
Les inquiétudes croissantes autour du nucléaire chinois s’inscrivent dans une montée des tensions entre la Chine et les États-Unis depuis plusieurs années. La construction de ces réacteurs serait alors le signe d’une volonté de la Chine d’augmenter son arsenal nucléaire. Le pays pourrait alors le porter à hauteur de l’arsenal américain et augmenter son pouvoir de dissuasion.
La guerre commerciale engagée sous Donald Trump ainsi que les tensions géopolitiques autour de Taiwan sont déjà des points de tension dans la relation entre les deux pays. La question des réacteurs pourrait alors s’ajouter à la liste des différends entre les deux États.
Le dialogue semble être pour l’instant rompu, comme l’a déploré Robert Wood, ambassadeur américain à la conférence sur le désarmement du 18 mai 2021. Ce dernier a regretté que Pékin ne veuille pas engager des discussions productives avec Washington sur la question des armes nucléaires.