Production nucléaire française au plus bas en raison de problèmes de corrosion, retards sur les chantiers des EPR
britanniques : EDF a connu une nouvelle semaine noire et l’avenir de l’entreprise fragilisée sera au menu du nouveau gouvernement, tout juste nommé.
EDF fait face à des difficultés
Dans la nuit de mercredi à jeudi, le producteur d’électricité a prévenu que ses résultats financiers devraient être encore plus mauvais que prévu cette année. Notamment suite aux problèmes de corrosion qui ont conduit à l’arrêt de 12 réacteurs sur les 56 du parc français. La production nucléaire française doit atteindre, cette année, 280-300 TWh (contre 295-315 TWh précédemment), un niveau historiquement bas.
Autre jour, autre problème: le groupe a annoncé jeudi soir tard que le chantier de construction de deux réacteurs nucléaires de nouvelle génération (EPR) à Hinkley Point en Angleterre accuserait un nouveau retard d’un an (jusqu’en 2027) et des coûts supplémentaires d’au moins 3 milliards de livres (pour un total de 25 à 26 milliards).
Des déboires en série qui ne font que prolonger la série noire de l’entreprise détenue à près de 84% par l’Etat français, également fragilisée par la décision du gouvernement de la forcer à vendre plus d’électricité nucléaire à bas coût à ses concurrents pour limiter la flambée des factures.
Les derniers problèmes en France et en Angleterre relèvent de “choses extrêmement différentes”, estime toutefois Emmanuel Autier, du cabinet BearingPoint. Sur le dossier de la corrosion, il voit même des points positifs comme “la fiabilité des contrôles” et la prise de mesures “drastiques”.
Si les derniers problèmes industriels ne peuvent pas “être ramenés à une cause ou quelques causes bien identifiées et très claires”, ils s’inscrivent toutefois dans une tendance de fond, juge pour sa part Yves Marignac, de l’association NégaWatt.
“Il y a quand même une tendance lourde au fil des années à une baisse tendancielle de disponibilité et donc de performance du parc français. Et par ailleurs, sur les constructions, les dernières annonces sur Hinkley Point s’inscrivent dans la continuité des retards” à Flamanville et en Finlande, souligne-t-il.
Des difficultés instrumentalisées pour la CGT
L’électricien connaît une “spirale négative”. Chaque nouvelle difficulté mobilise les compétences au détriment d’autres enjeux, ouvrant ainsi la voie à d’autres problèmes futurs, juge l’expert critique du nucléaire.
Ces fragilités industrielles, qui pèsent un peu plus sur des finances déjà dégradées, tombent mal car l’exécutif compte sur son champion national pour assurer la construction de six nouveaux EPR, la prolongation du parc existant et le développement des renouvelables.
Pour résoudre cette équation complexe, le président Emmanuel Macron a évoqué, durant sa campagne, une renationalisation d’EDF. Celle-ci s’inscrirait dans le cadre d’”une réforme plus large”. Un projet de restructuration du groupe, baptisé Hercule puis “grand EDF”, est en parenthèse mais pas à l’abandon.
“Les fondamentaux qui faisaient que cette réforme était sur la table sont toujours là”, juge Emmanuel Autier. “L’évolution du groupe pour permettre de faire face à ce grand plan d’investissements – que ce soit la prolongation de la durée de vie du parc existant mais aussi la création du nouveau parc -, c’est dans le sens de l’histoire”, estime-t-il.
Les syndicats craignent une instrumentalisation des dernières difficultés. Celles-ci pourraient permettre un nouveau projet redouté en raison de la potentielle désintégration de l’entreprise.
Fabrice Coudour, secrétaire fédéral de la FNME-CGT, soupçonne ainsi “un plan de communication bien rodé”. “Dans quelque temps, on va avoir l’annonce du sauveur pour nous expliquer qu’il faut bouger, qu’il faut transformer l’entreprise pour répondre à ces difficultés-là”, craint-il.
Julien Lambert, autre responsable fédéral FNME-CGT, reconnaît pour sa part “des défis à mener”. Mais “l’entreprise a fait la preuve de sa réussite depuis les années 1940 et il n’y a pas nécessité à la découper”, ajoute-t-il.