Le NordStream 2, gazoduc reliant la Russie à l’Allemagne, est en passe d’être achevé. Contournant l’Ukraine, l’infrastructure de 1230 kilomètres diffusera le gaz russe à travers l’Europe, d’ici fin août 2021. Si le pipeline sert des intérêts croisés, il rebat surtout les cartes du jeu diplomatique, économique et politique européen.
NordStream 2 : un instrument d’influence
La chancelière Allemande assure à son homologue Ukrainien, Volodymyr Zelensky, que l’Ukraine resterait un territoire de transit de gaz. Côté Ukrainien, l’inquiétude est grande : le Nord Stream 2 permettrait de doubler la capacité de livraison du gaz russe en Europe. En cela, le projet est perçu comme un instrument d’influence au service de la Russie.
Coulé sous la Baltique, le gazoduc fournit directement l’Europe via l’Allemagne et prive potentiellement certains intermédiaires de revenus futurs. À ce titre, le gazoduc est une « menace pour la sécurité de l’Ukraine », selon le président Ukrainien. Jusqu’alors territoire de transit, doté d’un moyen de pression sur Moscou, l’Ukraine perdrait en influence avec l’avènement de NordStream 2.
Face aux inquiétudes, Angela Merkel reste ferme :
« Nous les prenons au sérieux et ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour qu’il soit très clair que Nord Stream 2 ne se substitue pas aux livraisons de transit promises ».
Le dilemme européen
Soutenu par Berlin, le projet est néanmoins vivement critiqué à Washington et divise l’Europe à l’Est. Support de la transition énergétique pour les uns, instrument d’influence au service du Kremlin pour les autres, NordStream 2 interroge. Entre sanctions et coopération, l’équilibre semble difficile à trouver et les garanties incertaines.
Le président américain Joe Biden, défavorable au projet, a renoncé aux sanctions pour se concentrer sur la coopération avec l’Allemagne. Modalités de fonctionnement des gazoducs, et gages affirmés à l’Ukraine, seront au cœur des prochaines discussions entre Berlin et Washington. Il s’agit là d’éviter une résurgence des tensions à l’Est, tout en redynamisant les sites industriels européens.
Avant toute médiation internationale, l’Ukraine et la Russie avaient conclu un contrat sur le transit du gaz, en décembre 2019. Courant jusqu’à fin 2024, le contrat réaffirme les livraisons de transit promises à travers l’Ukraine. Berlin plaide en faveur du prolongement de ce type de contrat entre les deux pays.
Éviter une guerre économique
Le PDG de NordStream 2 AG, Matthias Warnig, déplore les menaces de sanctions américaines et confirme l’issue prochaine du chantier. L’implication de Gazprom, leader russe du transport gazier, offre un soutien technique et économique d’importance capitale. Cela permet le développement rapide du gazoduc, conformément aux exigences d’homologation et aux normes internationales de l’industrie.
Toutefois, le risque de sanctions américaines reste « grand » selon M. Warnig. Le Congrès américain, en ciblant les potentiels clients du gaz acheminé, tente d’affirmer son influence sur les marchés gaziers mondiaux. Cependant, Matthias Warnig prévient :
« Sanctionner les clients, ce serait faire entrer dans une nouvelle dimension, la guerre économique ».
Ainsi, NordStream 2 divise l’Europe et fait craindre une résurgence prochaine des tensions. Russes, Ukrainiens, Américains et Européens, du fait d’intérêts liés, suivent de près l’issue de ce projet pharaonique. Si les inquiétudes liminaires sont économiques, le destin du gazoduc pourrait bien être suspendu à la conjoncture politique, voire géopolitique.