Nord Stream 2 est le chantier gazier le plus controversé d’Europe. Ce second projet de gazoduc reliant la Russie à l’Europe devait initialement être terminé fin 2019. Mais le projet quasi-achevé (96%) souffre des sanctions financières et pénales américaines qui pèsent sur les acteurs du projet. Résultants du dernier budget de la défense américain voté ce vendredi 8 janvier dernier, celles-ci visent toutes les entreprises qui proposent «des services de tests, d’inspection ou de certification nécessaires ou essentiels à l’achèvement ou à l’exploitation du gazoduc Nord Stream 2 ».
En conséquences, le norvégien DNV GL chargé de classification et de certifications s’est retiré du projet. Un retrait prolongé tant que les sanctions resteront en vigueur et tant que les relations diplomatiques n’évolueront pas.
Nord Stream 2 : un instrument politique
Depuis son origine, le projet Nord Stream 2 est soumis à de vives critiques, notamment au sein de l’UE. Plusieurs pays de l’UE accusent la Russie de chercher à accentuer sa mainmise gazière sur le continent.
La Pologne notamment, rappelle l’atout de taille de ce projet pour la Russie dans ses négociations avec l’UE. Les ukrainiens, eux, perçoivent le gazoducs comme une mesure de rétorsion politique. En effet, le gaz russe transite habituellement par le pays, or ce n’est pas le cas du gazoduc Nord Stream 2.
Les Etats-Unis aussi contre le projet
Hors de l’UE, les Etats-Unis s’y opposent officiellement pour éviter une dépendance européenne au gaz russe et contrer l’influence du pays sur le continent.
Une adversité russo-américaine sur le marché gazier européen
L’avènement du gaz de schiste américain accroît la concurrence entre la Russie et les Etats-Unis sur l’approvisionnement gazier européen. D’abord, le 20 décembre 2019, Washington adopte de nouvelles sanctions dans le cadre du PEESA (loi de protection de la sécurité énergétique de l’Europe). Puis, la suspension de Nord Stream 2 a été instrumentalisée par le pays à l’occasion de l’empoisonnement d’Alexeï Navalny en août 2020.
Pour Moscou, c’est le maintien de sa rente gazière en Europe qui se joue. En effet, la Russie est le premier fournisseur de gaz en Allemagne. C’est aussi un fournisseur fiable à long terme face à l’appauvrissement des réserves hollandaises et norvégiennes en Europe.
La France contre les interventions extérieures dans la politique de l’UE
Mais l’ingérence américaine dans les affaires européennes semble déranger, en France notamment. En juillet 2020, le Sénat a adopté une “proposition tendant à préserver la souveraineté de l’UE dans le domaine énergétique”. Cette proposition de résolution européenne exhorte les Etats-Unis, entre autres, à supprimer le PEESA de 2019 ainsi qu’un projet de loi similaire déposée le 4 juin 2020.