Le NOPEC constitue un acte législatif proposé par des sénateurs républicains et démocrates en vue de sanctionner l’OPEP. Régulièrement proposée devant le Congrès depuis 2000, cette loi n’a néanmoins jamais pu être votée. De nouveau débattue au Sénat ces derniers jours, le NOPEC risque encore une fois d’échouer faute de majorité. La proposition de loi représente en effet un risque important pour les intérêts énergétiques américains.
Le NOPEC pour déstabiliser la puissance de l’OPEP
Depuis le premier choc pétrolier de 1973, les relations entre les États-Unis et l’OPEP se sont nettement détériorées. Washington accuse en effet l’organisation d’aller à l’encontre des intérêts des consommateurs Américains en formant un cartel sur l’offre. Pour les Américains, l’OPEP utilise son pouvoir sur la production afin de manipuler les marchés et protéger la rente pétrolière.
Depuis 2000, plusieurs sénateurs républicains comme démocrates ont lancé une proposition législative visant à s’attaquer au pouvoir de l’organisation. Le NOPEC a ainsi pour objectif d’utiliser les lois anti-trust américaines afin d’autoriser des sanctions contre les pays de l’OPEP. Ces sanctions viseraient l’ensemble des compagnies pétrolières internationales travaillant dans un pays de l’organisation.
Peser sur le rééquilibrage des prix du pétrole
L’objectif principal de cette législation consiste à faire pression sur l’OPEP pour qu’elle augmente sa production. En cela, la loi revient régulièrement devant les sénateurs lorsque les prix du brut atteignent un niveau jugé trop élevé. Ce fut le cas en 2000 lors du premier vote suite au rebond de la croissance économique en Asie. Ce fut également le cas en 2008 lorsque les prix ont dépassé les 95 dollars le baril.
Avec la hausse actuelle des prix, le Sénat se penche une nouvelle fois sur ce mécanisme de sanctions anti-OPEP. Les prix du brut ont en effet atteint 65 dollars le baril au début du mois. Cette montée des prix s’explique par l’attitude conservatrice de l’OPEP et de ses alliés réunis au sein de l’OPEP +. Ces derniers ont décidé de baisser de 8 % la production mondiale depuis le début de la pandémie.
Le pétrole de schiste américain perturbe les stratégies de l’OPEP
En défendant le NOPEC, certains sénateurs espèrent envoyer un message à l’OPEP afin qu’elle cesse sa politique conservatrice. Cependant, cette approche ne prend pas en compte l’affaiblissement relatif de l’organisation depuis le boom du pétrole de schiste américain. Avec 4 millions de barils supplémentaires par jour de pétrole non-conventionnel, les États-Unis ont effectivement modifié le rapport de force.
Aujourd’hui, l’OPEP se retrouve confrontée à un dilemme quasi-inextricable en matière de production et d’évolution des prix. D’un côté, l’organisation cherche à augmenter le plus possible sa rente pétrolière en poussant à la hausse des prix. D’un autre côté, des prix trop élevés pourraient faire revenir sur les marchés des producteurs non-conventionnels essentiellement nord-américains. La politique de sanctionner l’OPEP apparaît donc limitée par l’existence de ces producteurs non-conventionnels qui équilibrent automatiquement les marchés pétroliers.
Mais la hausse de la demande fait grimper les prix
Néanmoins, cet équilibre automatique des marchés semble ne plus jouer depuis la pandémie de Covid-19. En effet, malgré un prix de nouveau élevé, la production américaine ne décolle pas depuis plusieurs mois. Conjuguée à une hausse de la demande dans un contexte d’accélération de la vaccination, cette stagnation fait augmenter les prix. La banque Goldman Sachs prévoit même que les prix atteindront les 100 dollars le baril dans les prochains mois.
La stagnation de la production pétrolière aux États-Unis s’explique par la nécessité pour les compagnies américaines d’assainir leurs bilans. À cela s’ajoute la volonté d’établir des cash-flows positifs pour une industrie très peu rentable et endettée avant la pandémie. Toutes ces conditions donnent à l’OPEP une marge de manœuvre supplémentaire pour faire augmenter les prix. En menaçant de sanctions, les sénateurs ont donc très bien compris le rééquilibrage en cours du rapport de force.
L’industrie pétro-gazière s’oppose au NOPEC
En dépit de cette évolution, le NOPEC devrait une nouvelle fois échouer au Sénat américain faute de majorité. La loi se retrouve en effet confrontée à l’opposition virulente de l’industrie pétro-gazière aux États-Unis. Les sénateurs des États pétroliers ont ainsi exprimé leur refus d’adopter ce texte contraire, selon eux, aux intérêts énergétiques américains.
Les sanctions contre l’OPEP pourraient effectivement frapper directement les compagnies pétrolières américaines très engagées dans les pays de l’organisation. De même, ces derniers ont beaucoup investi aux États-Unis, notamment dans l’aval de la chaîne de valeur. Si la loi se trouve adoptée, c’est ainsi une partie du secteur pétrochimique et du raffinage qui serait en difficulté. En d’autres termes, sanctionner l’OPEP pourrait poser des problèmes importants en matière de sécurité énergétique pour la puissance américaine.
Le président Biden aussi
Une autre obstacle de taille pour la loi consiste en l’opposition historique de Joe Biden contre cette législation. Sénateur pendant des décennies, l’actuel président n’a jamais voté une seule fois ce texte arguant même de son inutilité. Selon lui, une telle législation ne ferait que déstabiliser les marchés pétroliers et serait préjudiciable aux alliés Arabes des États-Unis. La relation stratégique entre les États-Unis et l’Arabie Saoudite pourrait notamment pâtir de cette législation.
Surtout, ce texte, s’il venait à être voté, irait à l’encontre de la politique énergétique du nouveau président Américain. Celui-ci souhaite développer davantage les véhicules électriques au détriment des moteurs thermiques. Avec un prix élevé du baril de brut, cet objectif d’électrification du parc automobile s’en trouvera fortement accéléré. À l’inverse, une hausse de la production de l’OPEP pourrait défavoriser la compétitivité des véhicules électriques.
Dans ces conditions, le NOPEC ne possède que des chances infimes de voir le jour. Ni l’industrie pétrolière américaine ni l’administration Biden ne soutiennent en effet l’initiative. La question pourrait néanmoins se poser si les prix atteignent des niveaux insupportables pour le consommateur américain.