L’entreprise italienne Newcleo, spécialisée dans les petits réacteurs modulaires (Small Modular Reactors – SMR), revoit sa stratégie d’implantation. Elle envisage de transférer aux États-Unis un programme initialement prévu au Royaume-Uni, estimé à 16 milliards d’euros ($19 milliards). Ce projet porte sur la construction de 20 réacteurs, chacun représentant un investissement unitaire de 800 millions d’euros, selon les précisions apportées par le président-directeur général de Newcleo, Stefano Buono, en marge du World Nuclear Exhibition (WNE) à Paris.
La décision, encore en phase d’étude, reflète un changement de dynamique entre les deux continents. Aux États-Unis, un décret signé en mai par le président Donald Trump vise à accélérer le développement nucléaire national par une simplification réglementaire et une délivrance plus rapide des autorisations. À l’inverse, le déploiement des infrastructures nucléaires en Europe se heurte à des délais administratifs jugés trop longs par les industriels.
Les États-Unis attirent les industriels européens du nucléaire
Le contexte réglementaire américain favorable séduit également d’autres acteurs du secteur. Le groupe franco-néerlandais Thorizon, également positionné sur le marché des SMR, étudie une implantation sur le sol américain pour réduire les délais de mise en service de ses unités. La compétition internationale s’intensifie, alors que la Chine a déjà produit son premier réacteur SMR et que le Canada développe ses prototypes sur le site de la centrale de Pickering.
Le rééquilibrage stratégique ne concerne pas uniquement les fabricants de réacteurs. Les producteurs européens de combustible nucléaire, tels que le groupe français Orano et la société multinationale Urenco, ont tous deux annoncé des projets d’expansion aux États-Unis. Cette décision répond à la hausse de la demande, alimentée par le retour de l’énergie nucléaire dans les stratégies d’approvisionnement à long terme des entreprises américaines.
Des investissements lourds pour capter la demande américaine
Urenco, déjà implantée au Nouveau-Mexique avec une capacité annuelle de 4,3 millions de tonnes d’uranium, prévoit d’ajouter 700 000 tonnes supplémentaires d’ici 2027. L’entreprise affirme pouvoir porter cette capacité à 6,3 millions de tonnes en fonction de la demande. Son directeur général, Boris Schucht, a indiqué que la société bénéficie de contrats de long terme avec des clients américains, soutenant le développement de ce programme.
De son côté, Orano prévoit d’investir entre $4 milliards et $5 milliards dans sa première usine d’enrichissement à l’étranger, située dans le Tennessee. L’objectif est de mettre en service l’unité en 2031, sous réserve de l’obtention de subventions fédérales. Le directeur général, Nicolas Maes, a précisé que le marché américain pourrait dépasser celui de la France en termes de volume d’activité pour le groupe.