Le projet Northeast Supply Enhancement (NESE), relancé en 2025 par Williams et National Grid, se retrouve au cœur d’une double procédure judiciaire visant à faire annuler les autorisations délivrées par New York et le New Jersey. Les deux États ont accordé des certifications de qualité de l’eau en vertu de la section 401 du Clean Water Act, bien qu’ils aient rejeté ce même projet en 2019 et 2020 pour des motifs environnementaux similaires.
Les recours des ONG ciblent le revirement des régulateurs
Les organisations non gouvernementales, dont Earthjustice et le Natural Resources Defense Council (NRDC), attaquent la légalité de ce changement de position, arguant que les agences n’ont pas apporté de justification suffisante à leur volte-face. Elles soutiennent que les impacts écologiques du projet n’ont pas été réévalués de manière rigoureuse, notamment sur la remise en suspension de sédiments toxiques dans la baie de Raritan et sur les habitats benthiques menacés.
Les agences de l’environnement du New York Department of Environmental Conservation (DEC) et du New Jersey Department of Environmental Protection (DEP) invoquent, en défense, des études mises à jour et des conditions techniques renforcées. Toutefois, les opposants affirment que ces éléments ne suffisent pas à expliquer un changement de cap administratif, ce qui pourrait rendre la décision “arbitraire et capricieuse” au regard de la jurisprudence fédérale.
La FERC visée pour réactivation d’un dossier ancien
Un contentieux distinct vise la Federal Energy Regulatory Commission (FERC), accusée d’avoir réémis un certificat de commodité publique sur la base d’un dossier environnemental obsolète de 2019. Earthjustice dénonce l’absence de prise en compte des normes climatiques et de qualité de l’air en vigueur en 2025, et demande l’annulation ou la réévaluation complète du projet.
Cette contestation crée une vulnérabilité juridique sur deux fronts : même si les certificats d’eau sont maintenus, le projet pourrait être bloqué par l’invalidation du certificat FERC. Inversement, même un certificat fédéral confirmé ne permettrait pas la construction sans l’accord des autorités étatiques sur les impacts aquatiques.
Enjeux économiques pour Williams et National Grid
NESE représente environ 1 Md USD d’investissement et permettrait à Transco, filiale de Williams, d’ajouter 400 000 dekatherms par jour de capacité vers la zone métropolitaine de New York. National Grid, client principal pressenti, intègre cette capacité dans son plan de fiabilité validé par la New York Public Service Commission (PSC).
En cas de blocage judiciaire, les deux entreprises s’exposent à des risques financiers et réputationnels. Williams pourrait devoir gérer un actif juridiquement bloqué, tandis que National Grid devrait adapter sa stratégie d’approvisionnement à court terme sans recours à un nouveau pipeline.
Un test pour l’avenir des infrastructures fossiles dans le Nord-Est
Au-delà du cas NESE, l’issue de cette affaire pourrait déterminer si de nouveaux projets gaziers restent finançables dans les États du Nord-Est. Un rejet judiciaire consoliderait une ligne restrictive autour des projets sous-marins inter-États, poussant les opérateurs à privilégier des alternatives non-pipeline.
À l’inverse, une validation du projet en justice pourrait être interprétée comme un feu vert implicite à des extensions futures, dans un cadre politique et réglementaire fragilisé par les contradictions entre objectifs climatiques et impératifs de sécurité énergétique.