La neutralité carbone en 2050 suppose des objectifs de réduction des émissions de carbone colossales pour respecter l’Accord de Paris. Dans son dernier scénario Net Zero by 2050, A Roadmap for the Global Energy Sector, l’IEA décrit la marche à suivre d’une telle transition écologique. La question se pose en pratique : comment atteindre la neutralité carbone ?
L’indispensable Neutralité Carbone en 2050
En dévoilant son scénario de neutralité carbone en 2050, l’Agence internationale de l’Énergie (IEA) a provoqué un véritable séisme dans le monde de l’énergie. L’agence est en effet largement perçue comme l’organe mondial de référence en matière de prospective énergétique. Sur plusieurs aspects, le scénario se veut être le plus réaliste possible compte-tenu des incertitudes entourant la transition énergétique.
D’un côté, l’IEA prend ainsi en compte les circonstances particulières propres au mix énergétique de chaque pays. Cela signifie que le scénario intègre les divergences fondamentales existantes en matière de stratégie nationale bas carbone. À cela s’ajoute la contrainte d’un accès universel à l’énergie dès 2030, conformément aux objectifs de développement durable de l’ONU. Enfin, le scénario limite l’expansion des technologies de stockage et capture du carbone (CCUS) à et l’usage des puits de carbone comme stratégies de réduction des émissions.
Un appel à davantage d’ambitions
Par ce degré de réalisme, l’IEA souhaite lancer un appel à davantage d’ambitions de la part des États. Certes, l’objectif de neutralité carbone a été adopté en Europe et aux États-Unis d’ici 2050 et en Chine dès 2060. Néanmoins, les émissions de gaz à effet de serre continuent à augmenter aggravant les effets dévastateurs du réchauffement climatique.
L’IEA estime qu’en dépit des annonces d’économies neutres en carbone, les températures augmenteront de 2,1°C d’ici la fin du siècle. Autrement dit, la neutralité carbone aux États-Unis, Europe et Chine ne suffira pas au respect de l’Accord de Paris. D’autres pays émergents comme l’Inde ou l’Indonésie devront également contribuer à l’effort contre le changement climatique.
Les énergies renouvelables dominent le mix énergétique
Atteindre la neutralité carbone en 2050 va exiger un effort gigantesque d’expansion des énergies renouvelables dans le mix énergétique. D’après l’IEA, les investissements devront atteindre chaque année près de 5000 milliards de dollars, soit 6% du PIB mondial. L’électricité devra être ainsi décarbonée dès 2040 avec une multiplication par 4 de la capacité mondiale solaire et éolienne installée.
100% de véhicules électriques en 2035
En matière de transport, les véhicules électriques devront représenter 100% des ventes dès 2035. Cela induit une forte poussée de l’innovation dans les batteries améliorant sur le long-terme les performances de la mobilité électrique. Au niveau industriel, la décarbonation ne pourra se réaliser qu’avec des technologies encore non matures comme les CCUS et l’hydrogène. L’IEA demande à cet effet davantage de soutien public à ces technologies essentielles à la réduction des émissions de CO2.
Ne plus investir dans les énergies fossiles dès 2022
Cette forte poussée des énergies renouvelables doit s’accompagner d’un abandon progressif des énergies fossiles dans le mix énergétique. Ainsi, ces énergies à forte empreinte carbone ne devraient plus représenter que 1/5ème de la consommation d’énergie contre 4/5ème aujourd’hui. Pour l’IEA, il s’agit d’une révolution copernicienne, elle qui a longtemps défendu les énergies fossiles dans le passé.
D’ici 2050, cela signifie une baisse de 90% de la consommation de charbon et de 75% pour le pétrole. Même le gaz, pourtant l’énergie fossile au bilan carbone le plus favorable, voit sa consommation chuter de 55%. Afin d’atteindre la neutralité carbone, l’IEA estime qu’il est nécessaire de ne plus investir dès aujourd’hui dans les énergies fossiles.
Une nouvelle géopolitique de l’énergie
La neutralité carbone en 2050 pourrait ainsi bouleverser le paysage énergétique mondial vers un mix énergétique bas-carbone. Au-delà de la simple question énergétique, cette transformation pourrait avoir des effets géopolitiques importants. En effet, la transition énergétique ne va pas sans créer de nouveaux espaces de conflictualité entre les pays.
La question des approvisionnements en matériaux critiques va ainsi se poser avec le risque d’un conflit sur ces ressources. Rappelons que l’extraction de cobalt, par exemple, servant à la fabrication des batteries, se concentre à 60% en RDC. Un autre espace de conflictualité concerne les pays dont la stabilité politique et sociale repose sur les exportations d’hydrocarbures. Une transformation de leur modèle de développement est dès lors indispensable afin d’assurer la stabilité à long-terme.
La nécessité d’une coopération internationale
Dans cette optique, l’IEA estime comme primordiale une approche coopérative facilitant la transition énergétique dans les pays du Sud. Les transferts de technologie Nord/Sud devront ainsi être favorisés afin de rendre compétitives les technologies bas-carbone dans ces pays. De même, se pose la question du financement avec un coût du capital très élevé dans les pays du Sud. Les pays riches devront notamment respecter leur promesse de 100 milliards d’investissements annuels dans le cadre du Fonds vert.
Or, pour l’instant, ces deux volets de coopération internationale se trouvent sérieusement ralentis par les politiques des États. Les transferts de technologie sont ainsi peu développés en raison de craintes liées au rattrapage technologique des pays émergents. Pour le Fonds vert, son enveloppe financière n’atteint à peine que 10 % des montants prévus.
14 millions d’emplois d’ici 2030
Pourtant, une approche plus coopérative permettrait d’engendrer d’énormes bénéfices économiques tout en protégeant la planète contre le changement climatique. D’après l’IEA, près de 14 millions d’emplois dans le monde pourraient être créés d’ici 2030 dans un scénario neutralité carbone. En comptant les 5 millions d’emplois perdus dans les énergies fossiles, cela crée un gain net de 9 millions d’emplois. De fait, l’IEA nous rappelle que la neutralité carbone en 2050 pourrait représenter un formidable levier de croissance sur le long terme.