Les fonds spéculatifs jouent un rôle croissant sur les marchés du gaz naturel et du gaz naturel liquéfié (LNG) en Europe, augmentant la volatilité des prix à un moment crucial, alors que le continent se prépare pour la saison hivernale. Ces acteurs financiers, en fermant leurs positions, exacerbent la pression baissière déjà présente, causée par des fondamentaux fragiles sur le marché européen du gaz. Cette situation interpelle les régulateurs européens, qui envisagent de nouvelles règles pour contrôler ces mouvements spéculatifs.
Appel à un encadrement renforcé
Un récent rapport de l’Union européenne, dirigé par Mario Draghi, appelle à une régulation accrue des activités des fonds spéculatifs sur les marchés de l’énergie. Ce document préconise des mesures inspirées des pratiques américaines, telles que l’instauration de limites de positions financières et de plafonds dynamiques en cas de divergences marquées entre les prix de l’énergie européens et mondiaux. Les propositions visent à réduire les risques de volatilité excessive et à stabiliser les marchés, en s’assurant que les règles s’appliquent uniformément aux marchés spot et dérivés de l’énergie.
Les régulateurs envisagent également une supervision intégrée des marchés énergétiques et des dérivés, afin de mieux contrôler les activités des fonds et d’autres acteurs financiers. Cette perspective trouve écho chez certains acteurs du marché qui estiment que la régulation actuelle ne suffit pas à limiter les comportements spéculatifs qui amplifient les mouvements de prix.
Des positions réduites sur le marché des contrats à terme
Selon les données récentes de l’Intercontinental Exchange (ICE), les fonds spéculatifs ont réduit leurs positions nettes longues sur les contrats à terme de gaz naturel néerlandais TTF, signalant un retrait face à la baisse continue des prix. Pour la semaine se terminant le 6 septembre, le nombre total de positions s’élève à 3,67 milliards de lots, dont une majorité (63 %) détenue par des entreprises commerciales non régulées et des fonds de dotation. Les fonds d’investissement, y compris les hedge funds, comptent pour environ 22 % de ces positions, tandis que les institutions financières telles que les banques d’investissement et les courtiers représentent 15 %.
Cette réduction des positions nettes longues reflète un ajustement stratégique face à une offre excédentaire de LNG en Europe et à une demande qui reste modérée avant l’hiver. Les commerçants physiques, quant à eux, augmentent leurs positions longues, anticipant une éventuelle reprise de la demande lors de la saison de chauffage. La combinaison de ces mouvements crée une dynamique complexe sur les prix, rendant difficile toute prédiction à court terme.
Impacts immédiats sur les prix du gaz et du LNG
Les ajustements de positions par les fonds ont eu un effet direct sur les prix du gaz en Europe. Le prix du contrat TTF mois à venir, référence sur le marché européen, a chuté à 35,195 €/MWh le 10 septembre, soit une baisse d’environ 5 % en une journée. Le contrat pour 2025 a également reculé, atteignant 37,415 €/MWh, en raison des fermetures de positions qui amplifient la pression baissière. Cette dynamique descendante s’est répercutée sur le marché du LNG, où le marqueur DES Nord-Ouest Europe de Platts pour octobre a chuté de 5 %, se fixant à 11,189 $/MMBtu.
Malgré des signes haussiers potentiels, tels que l’augmentation des appels d’offres de pays exportateurs comme l’Égypte, la fermeture de positions par les fonds continue de dicter la direction des prix. Certains traders indiquent que l’abondance de l’offre, combinée à un manque de demande claire jusqu’à la fin de l’année, rend le marché incertain et volatile.
Des perspectives de marché incertaines
À l’approche de l’hiver, les opérateurs sur les marchés du gaz et du LNG surveillent de près les positions des fonds spéculatifs. Bien que les acteurs physiques augmentent leurs positions longues, la dynamique reste fragile en raison de l’incertitude sur la demande future et des tensions géopolitiques qui pourraient affecter les approvisionnements. L’Union européenne et ses régulateurs cherchent donc à renforcer leur cadre de régulation pour limiter les fluctuations de marché exacerbées par les mouvements financiers.
Il est clair que la participation accrue des fonds spéculatifs et d’autres acteurs financiers non traditionnels sur les marchés du gaz et du LNG modifie les dynamiques traditionnelles. Les discussions actuelles sur la régulation et les propositions visant à introduire des limites de positions financières reflètent une prise de conscience croissante des risques associés à ces pratiques. Les mois à venir seront déterminants pour savoir si ces propositions seront adoptées et comment elles pourraient influencer la structure et la stabilité des marchés énergétiques en Europe.