La production de gaz offshore en Asie du Sud-Est est sur le point de connaître une croissance spectaculaire, avec des investissements prévus atteignant 100 milliards de dollars d’ici 2028. Cette prévision, avancée par Rystad Energy, représente une augmentation de plus de deux fois par rapport aux 45 milliards de dollars de développements ayant atteint la décision finale d’investissement (FID) entre 2014 et 2023. Les projets en eaux profondes, les récentes découvertes réussies en Indonésie et en Malaisie, ainsi que les avancées positives en matière de captage et de stockage du carbone (CSC) sont des facteurs clés de cette croissance rapide attendue.
Les majors pétrolières et gazières devraient représenter 25 % de ces investissements planifiés d’ici 2028, tandis que les compagnies pétrolières nationales (NOCs) en accapareront 31 %. Les entreprises d’amont d’Asie de l’Est, avec une part de 15 %, montrent un potentiel de croissance grâce à leur focalisation sur les opportunités de fusions et acquisitions (M&A) et les futures explorations. La part des majors pourrait même augmenter à 27 % suite aux efforts d’acquisition substantiels de TotalEnergies en Malaisie.
Défis et Opportunités Régionales
Les discussions entre les pays d’Asie du Sud-Est se concentrent sur l’avenir des développements domestiques et la limitation de leur dépendance aux importations de gaz. La sécurité énergétique et la transition vers le gaz en tant que combustible deviennent des préoccupations croissantes pour les gouvernements de la région. Pour aborder le trilemme énergétique – équilibre entre sécurité énergétique, équité énergétique et durabilité environnementale – les pays peuvent privilégier l’utilisation des ressources domestiques pour le développement du gaz tout en élaborant des politiques et des incitations qui favorisent des pratiques durables et renforcent la sécurité énergétique régionale.
Cependant, malgré l’avenir prometteur du développement du gaz offshore dans la région, les retards persistants des projets restent une préoccupation majeure. L’économie des projets en eaux profondes et de gaz acide, la disponibilité des infrastructures et les politiques régionales ont causé des retards généralisés, certains durant depuis plus de deux décennies. Néanmoins, l’émergence de centres de captage et de stockage du carbone (CSC) en Malaisie et en Indonésie pourrait changer la donne. Le contenu élevé en dioxyde de carbone (CO2) des futurs projets offshore nécessite le CSC pour le financement et la conformité réglementaire. De plus, les deux pays explorent les réservoirs épuisés des champs matures comme sites potentiels de stockage de CO2.
Investissements et Projets Futurs
Les nouveaux investissements dans les projets et les engagements de capital dans la région ont bondi de 9,5 milliards de dollars en 2022-2023 à environ 30 milliards de dollars en 2024-2025. Cette trajectoire ascendante devrait se poursuivre jusqu’en 2028, avec les découvertes récentes et l’implication des NOCs jouant un rôle crucial, notamment dans les développements en eaux profondes. En se concentrant sur les prévisions d’investissements sanctionnés entre deux nations leaders de la région, l’Indonésie et la Malaisie, la première se démarque par l’accélération attendue de ses activités de gaz offshore. Des projets majeurs comme l’Abadi LNG opéré par Inpex, le développement en eaux profondes de l’Indonésie par Eni (IDD) et le projet de captage de carbone Tangguh Ubadari (UCC) de BP sont au cœur de cette dynamique.
La Malaisie, de son côté, continue de maintenir des niveaux d’activité robustes avec des projets sanctionnés récents, des succès d’exploration et des efforts d’exploration planifiés, principalement gérés par Petronas, PTTEP et Shell. Plus de la moitié des projets gaziers prévus dans toute l’Asie du Sud-Est contiennent un contenu en CO2 supérieur à 5 % et sont principalement gérés par des NOCs et des grandes entreprises internationales, avec une tendance notable vers des stratégies de développement en cluster pour les projets en eaux profondes.
Perspectives Économiques et Stratégiques
Le secteur gazier de la région anticipe une croissance substantielle, avec des ressources gazières projetées issues des FIDs devant passer à 58 trillions de pieds cubes (Tcf) d’ici 2028, marquant une augmentation de trois fois par rapport aux niveaux observés au cours des cinq dernières années (2019-2024). Cette croissance repose sur la monétisation efficace des découvertes récentes et l’avancement des développements retardés. Malgré un climat d’investissement favorable, les opérateurs font face à des défis économiques, notamment dans les projets en eaux profondes et de gaz acide. Selon l’analyse de Rystad Energy, de nombreux projets nécessitent des prix du gaz supérieurs à la moyenne historique de 4 dollars par mille pieds cubes pour atteindre la rentabilité, avec un seuil optimal proche de 6 dollars par mille pieds cubes.
Ces réalités économiques ont suscité des discussions sur la révision des politiques de tarification du gaz domestique dans toute la région. Un prix du gaz de 7,5 dollars par mille pieds cubes pourrait potentiellement rendre jusqu’à 95 % des développements prévus économiquement viables, en particulier ceux associés aux projets de GNL en Indonésie et aux initiatives d’approvisionnement domestique au Vietnam. Les entreprises de la chaîne d’approvisionnement pourraient également voir une valeur accrue pour les projets basés sur des flotteurs et le forage en eaux profondes, les incitant à faciliter cette renaissance du gaz offshore prévue dans la région.