Le marché du charbon connaît actuellement un désengagement massif, tant pour des raisons économiques qu’écologiques. Pourtant, le Pakistan a déclaré exploiter ses réserves de charbon via des processus de liquéfaction et de gazéification. L’IEEFA met en garde le pays.
Marché du charbon liquéfié et gazéifié : fausse bonne idée ?
Le marché du charbon devrait survire au moins un temps au Pakistan. Le Premier ministre pakistanais Imran Khan a annoncé en décembre 2020 ses ambitions climatiques pour le Pakistan. Il a notamment déclaré que le Pakistan « n’aura plus d’électricité à base de charbon ». Néanmoins, son intention est d’utiliser les réserves de charbon pour produire de l’énergie via des procédés de gazéification et de liquéfaction.
Un rapport de l’Institute for Energy Economics and Financial Analysis a été récemment publié. Son auteur, Simon Nicholas, revient sur les déclarations pakistanaises. Il estime ainsi que ces procédés de gazéification et de liquéfaction augmenteront la dépendance pakistanaise aux énergies fossiles, tout en ayant des effets économiques néfastes.
États-Unis, Indonésie, Afrique du Sud : projets coûteux et peu rentables
Simon Nicholas s’appuie spécifiquement sur plusieurs exemples internationaux de gazéification et de liquéfaction du charbon.
« L’expérience mondiale des processus charbon-liquide et charbon-gaz devrait être un avertissement qu’il n’y a pas d’avenir radieux pour de tels projets au Pakistan », déclare-t-il ainsi.
Le gouvernement fédéral américain a largement subventionné le projet Kemper, de gazéification du charbon. C’est un échec : les consommateurs d’électricité ont perçu une augmentation des tarifs, élevant la facture à 1 milliard USD$. De même, un projet indonésien proposé par PT Bukit Asam provoquerait annuellement la perte de centaines de millions de dollars.
Dans le secteur du charbon liquéfié, l’entreprise sud-africaine Sasol est considérée comme le leader mondial. Encore une fois, le projet repose sur des subventions très élevées. Sasol souhaite pourtant remplacer le charbon par du gaz puis de l’hydrogène vert, afin de répondre au processus de décarbonation.
Désastre sanitaire, écologique et économique au Pakistan
Les procédés de liquéfaction et de gazéification ne répondent pas aux conditions hydrauliques pakistanaises. Les projets principaux se situent dans le désert de Tharparkar, qui subit déjà une situation de stress hydrique. L’exploitation du charbon entraîne l’assèchement des nappes phréatiques : selon l’ONU, le Pakistan pourrait connaître une pénurie absolue d’eau d’ici 2025.
« Si le Pakistan poursuit ses projets de construction de projet gazéifié et liquéfié, il s’enfermera dans la technologie du XXème, tandis que le reste du monde développera la technologie énergétique et chimique du XXIème », résume ainsi Simon Nicholas.
En plus d’un impact sanitaire, le projet suscite également l’inquiétude pour des raisons écologiques. Le lignite, combustible utilisé au cours du processus, émet du CO2 en grande quantité et est finalement peu rentable. Alors que les autres pays se désengagent massivement du marché du charbon, le Pakistan semble peu préoccupé par la transition énergétique.
Marché du charbon pakistanais : moins rentable que les EnR
Le coût de la production de charbon au Pakistan est extrêmement élevé. En plus, le charbon gazéifié et liquéfié du Pakistan dépend financièrement et technologiquement de la Chine. Ce choix de développement risque ainsi d’aggraver la dette souveraine pakistanaise à l’égard de la Chine.
Il est nécessaire de prendre en compte les réalités économiques locales avant de mener des politiques de transition énergétique. Le Pakistan devrait plutôt s’appuyer sur des technologies d’énergies renouvelables, à l’image du solaire, de l’éolien ou de l’hydrogène vert.
« La reconnaissance par Sasol du fait que l’hydrogène vert jouera un rôle dans l’avenir à long terme de l’entreprise est une leçon clé pour le Pakistan », estime Simon Nicholas.
Ces sources renouvelables produiraient l’électricité la moins chère et la plus rentable pour le Pakistan. Elles diversifieraient le mix énergétique pakistanais, qui ne dépendrait plus uniquement de la Chine. L’ouverture au renouvelable permettrait ainsi l’arrivée massive d’investissements internationaux au Pakistan.