Un pétrolier sans pavillon transportant du pétrole russe à destination de l’Inde a été intercepté par la Marine nationale au large des côtes françaises. Le navire, identifié sous le nom de « Boracay », figure parmi les centaines de bâtiments opérant dans la flotte dite fantôme, un réseau maritime conçu pour contourner les sanctions occidentales imposées à la Russie. Les autorités françaises ont agi sur la base de l’article 110 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, dite de Montego Bay, autorisant l’arraisonnement des navires sans nationalité claire.
Le président Emmanuel Macron a appelé à « franchir un pas » dans la mise en œuvre d’une politique européenne de blocage de ces navires. Il a souligné que le commerce pétrolier permis par ce réseau contribue à hauteur de « 30 à 40% » au financement de l’effort de guerre russe en Ukraine. Le chef de l’État a déclaré qu’une réunion des chefs d’état-major européens, en coordination avec l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), serait organisée sous peu afin de structurer une réponse collective.
Opération militaire justifiée par l’absence de pavillon
Le parquet de Brest a précisé que le navire avait été arraisonné en raison d’incohérences sur sa nationalité et de l’absence de pavillon. Les commandos marine ont procédé à l’opération samedi, après que les autorités françaises ont constaté que le bâtiment ne répondait pas aux critères juridiques internationaux de navigation. Le navire transportait une « importante cargaison de pétrole » en provenance de Russie et à destination de l’Inde.
Le président français a évoqué des « comportements inappropriés et extrêmement agressifs » du pétrolier à l’égard de la frégate française et des hélicoptères déployés. Le capitaine du navire, de nationalité chinoise, sera jugé pour « refus d’obtempérer » en février. Les autorités judiciaires n’ont pas précisé si le navire avait été libéré ni si son équipage était encore retenu.
Flux opaques et pratiques de contournement
Le « Boracay », long de 244 mètres, a été enregistré sous sept pavillons différents, dont ceux du Liberia, de Hong Kong et des îles Marshall, selon des données publiques. Ce type de navire opère généralement transpondeur éteint, avec des structures de propriété localisées dans des juridictions à faible transparence. Une source militaire française a estimé que « dix à quinze navires de la flotte fantôme passent chaque jour au large de Brest ».
L’analyse de ses mouvements indique que le navire avait quitté le port russe de Primorsk le 20 septembre avec destination déclarée le terminal indien de Vadinar. Il se trouvait dans les eaux danoises entre le 22 et le 25 septembre, période durant laquelle plusieurs survols de drones ont provoqué des interruptions de trafic aérien au Danemark.
Réaction russe et zones d’ombre
Le président russe Vladimir Poutine a qualifié cette saisie de « piraterie », affirmant que le pétrolier se trouvait dans des eaux neutres et n’était pas directement lié à la Russie. Il a ajouté que le navire était opéré sous pavillon tiers et possédait un équipage international. Emmanuel Macron a toutefois indiqué qu’aucun élément ne permettait, à ce stade, de lier le navire aux incidents aériens survenus au Danemark.
Les autorités danoises ont par ailleurs suggéré que les drones observés fin septembre pourraient avoir été lancés depuis un bateau. Aucune preuve n’a été rendue publique jusqu’à présent sur un lien avec le « Boracay », et l’enquête française ouverte ne porte pas sur cette hypothèse.