Le président Emmanuel Macron a reçu à l’Élysée Gourbangouly Berdymoukhamedov, président du Conseil du peuple du Turkménistan et figure dominante du régime turkmène, à l’occasion d’une visite officielle incluant la signature d’accords bilatéraux. Aucune information précise n’a été communiquée par la présidence française sur le contenu de ces engagements. La rencontre s’est tenue dans un contexte diplomatique rare, le Turkménistan entretenant peu de relations visibles avec les dirigeants occidentaux.
Une visite stratégique autour des réserves gazières
Le Turkménistan détient certaines des plus vastes réserves de gaz naturel au monde, attisant les convoitises dans un contexte de recomposition des approvisionnements européens. Depuis la rupture avec la Russie, l’Union européenne cherche à sécuriser de nouvelles sources d’énergie, et le gaz turkmène apparaît comme une option stratégique. Bruxelles a annoncé en avril un plan d’investissements de 12 milliards € ($12.9bn) en faveur des infrastructures d’Asie centrale via son programme Global Gateway.
Le projet d’un gazoduc transcaspien reliant le Turkménistan à l’Azerbaïdjan, puis à l’Europe, reste à l’étude. Bien que réclamé de longue date par Achkhabad, ce corridor énergétique n’a jamais obtenu de financements concrets. Les obstacles incluent l’absence d’accords multilatéraux sur la mer Caspienne et une forte concurrence d’intérêts de la Chine et de la Russie, déjà solidement implantées dans la région.
Des entreprises françaises déjà présentes dans un marché verrouillé
Malgré des échanges commerciaux modestes, estimés à 74,6 millions € ($80.2mn) en 2023, la France dispose d’une présence visible au Turkménistan. Les groupes Bouygues et Vinci ont signé plusieurs contrats pour la construction de bâtiments publics dans la capitale, en réponse aux commandes gouvernementales portées par l’administration turkmène. Ces projets d’infrastructure sont étroitement liés au pouvoir politique, dans un pays où les institutions sont fermement contrôlées.
La nature même de la gouvernance turkmène soulève des interrogations sur la transparence des accords économiques en cours. La concentration du pouvoir entre Gourbangouly Berdymoukhamedov et son fils Serdar, président du pays, limite l’accès aux données officielles et accentue les risques de chevauchement entre intérêts publics et intérêts privés.
Une diplomatie bilatérale sous haute surveillance
La visite du leader turkmène intervient dans un contexte où les puissances occidentales sont de plus en plus attentives aux implications politiques de leurs engagements énergétiques. Le Turkménistan est régulièrement classé parmi les pays les plus restrictifs en matière de libertés civiles. Peu de dirigeants européens se sont déplacés à Achkhabad au cours des dernières années, à l’exception du Premier ministre hongrois Viktor Orbán en 2023 et de la chancelière allemande Angela Merkel en 2016.
En accueillant Berdymoukhamedov, Paris privilégie une approche pragmatique des relations extérieures dans un cadre de rivalités énergétiques internationales croissantes. Cette posture soulève toutefois des enjeux de gouvernance et de légitimité dans la structuration des partenariats, en particulier lorsque les flux économiques s’appuient sur des régimes à pouvoir consolidé.