La levée progressive des sanctions économiques imposées à la Syrie marque un tournant stratégique dans la politique de l’Union européenne (UE) au Moyen-Orient. Ces mesures, appliquées depuis 2011, avaient été instaurées en réponse aux violations des droits humains par le régime de Bachar el-Assad. Après la chute de ce dernier en décembre 2024, l’UE s’engage dans une approche conditionnelle visant à stimuler la reconstruction du pays.
Les réserves énergétiques syriennes, bien que modestes par rapport aux standards régionaux, restent un atout important pour relancer une économie en ruine. Avant le début du conflit en 2011, la Syrie disposait de 2,5 milliards de barils de réserves prouvées de pétrole, situées principalement dans les régions de Deir ez-Zor et Hassaké. Par ailleurs, ses réserves de gaz naturel étaient estimées à 8,5 trillions de pieds cubes, concentrées autour de Palmyre et Homs. Ces ressources représentaient une part significative des revenus du pays, bien que marginales à l’échelle mondiale.
Un potentiel à reconstruire
La guerre civile syrienne a provoqué l’effondrement de son secteur énergétique, jadis contributeur clé de l’économie nationale. En 2018, la production pétrolière syrienne était tombée à seulement 24 000 barils par jour, soit une chute de 90 % par rapport aux niveaux de 2010. Les infrastructures énergétiques, gravement endommagées ou sous contrôle de factions armées, nécessitent aujourd’hui des investissements massifs pour être réhabilitées.
Dans ce contexte, la décision de l’UE d’assouplir les sanctions est perçue comme une opportunité d’attirer des acteurs internationaux dans le secteur énergétique syrien. Cependant, cette levée reste conditionnelle. Bruxelles exige du nouveau gouvernement syrien qu’il s’engage à respecter les droits des minorités, à mettre en place des réformes institutionnelles et à garantir une gouvernance transparente.
Des étapes progressives et réversibles
Les modalités techniques de cette levée sont en cours d’élaboration. Parmi les premières mesures, l’UE prévoit de lever partiellement l’embargo sur l’importation de pétrole brut et de produits pétroliers en provenance de Syrie. Les restrictions sur les investissements étrangers dans l’industrie pétrolière et gazière pourraient également être assouplies, mais de manière encadrée pour éviter tout risque de détournement des fonds.
Il est également attendu que certaines sanctions ciblant des entités spécifiques liées à l’ancien régime restent en vigueur. Cette approche vise à garantir que les anciens responsables ne bénéficient pas directement des retombées économiques de la reconstruction.
Enjeux pour le marché énergétique régional
Si la production syrienne de pétrole et de gaz reprend, elle pourrait jouer un rôle modeste mais stratégique dans la dynamique énergétique régionale. La Syrie pourrait notamment devenir un fournisseur secondaire pour ses voisins ou un point de transit pour des infrastructures énergétiques reliant le Moyen-Orient à l’Europe.
Cependant, le chemin reste semé d’embûches. La méfiance des investisseurs, les défis logistiques et la nécessité de respecter des normes environnementales et de gouvernance compliquent les perspectives à court terme. Les analystes estiment que la relance complète du secteur nécessitera plusieurs années de travail et des engagements financiers conséquents.
Cette décision marque néanmoins un signal fort de l’Union européenne, qui entend jouer un rôle clé dans la stabilisation et la reconstruction d’un pays au cœur d’enjeux stratégiques pour la région et le marché mondial de l’énergie.