Les ministres européens de l’Energie vont s’efforcer vendredi d’adopter des mesures d’urgence pour enrayer la flambée des prix du gaz et de l’électricité pour faire face aux risques de crise sociale et de faillites d’entreprises à l’approche de l’hiver.
Les récentes fuites sur les gazoducs Nord Stream 1 et 2 en mer Baltique, dénoncées par l’UE comme des actes de “sabotage”, ont suscité de nouvelles inquiétudes au sein du bloc, déjà ébranlé par l’envolée des prix liée à la guerre déclenchée par la Russie en Ukraine.
Réunis à Bruxelles, les ministres des 27 devraient valider des propositions présentées à la mi-septembre par la Commission européenne, visant à récupérer une partie des “superprofits” des producteurs d’énergie pour les redistribuer aux consommateurs, et réduire la demande d’électricité.
Mais une majorité d’Etats membres –quinze, dont la France, la Belgique, l’Italie et l’Espagne– estiment qu’il faut s’attaquer au “problème le plus grave”: ils réclament un plafonnement des prix de gros du gaz sur le marché européen.
Ces pays veulent que la mesure s’applique à toutes les importations de gaz, pas seulement celles qui proviennent de Russie. Et certains “sont de plus en plus nerveux” face à l’attitude de la Commission, selon un diplomate européen.
L’exécutif communautaire, tout comme l’Allemagne, est réticent à une telle mesure, redoutant qu’une limitation des prix menace l’approvisionnement des Européens, en dissuadant les “partenaires fiables” comme la Norvège ou les Etats-Unis de livrer l’UE en gaz, au profit de l’Asie.
La Commission propose de fixer un prix maximum pour le gaz russe –transporté par gazoduc ou gaz naturel liquéfié (GNL)–, qui représente à l’heure actuelle 9% des importations européennes. La Russie était historiquement le premier fournisseur de gaz de l’UE, acheminant plus de 40% du gaz dans le bloc.
Bruxelles mise sur des négociations avec les autres fournisseurs de gaz acheminé par pipeline pour faire baisser les prix, mais estime que pour le GNL, la capacité de négociation est restreinte par la concurrence internationale.
La Commission envisage aussi de plafonner le prix du gaz utilisé pour la production d’électricité.
– “Question de survie” –
Ces options seront discutées par les ministres, et devraient donner lieu à un plan plus détaillé, avant un sommet des dirigeants des Vingt-Sept le 7 octobre à Prague.
En attendant, les ministres devraient se mettre d’accord vendredi sur un projet de règlement prévoyant de plafonner les revenus des producteurs d’électricité à partir du nucléaire et des renouvelables (éolien, solaire, hydroélectrique) qui engrangent des bénéfices exceptionnels en vendant leur production à un prix très supérieur à leurs coûts de production.
Le plafond serait fixé à 180 euros par megawattheure et la différence avec le prix de gros du marché serait récupérée par les Etats pour être redistribuée aux ménages et aux entreprises. Une “contribution temporaire de solidarité” est aussi prévue pour les producteurs et distributeurs de gaz,
charbon et pétrole.
Au total, des recettes d’environ 140 milliards d’euros pourraient ainsi être reversées, selon la présidente de la Commission Ursula von der Leyen.
La proposition de loi fixe aussi aux Etats un objectif contraignant pour réduire leur consommation d’électricité “d’au moins 5%” pendant des heures de pic de la consommation. Les Vingt-Sept sont aussi appelés à réduire leur consommation mensuelle d’électricité de 10%, un objectif indicatif.
De nombreux pays de l’UE ont déjà mis en place des dispositifs d’aide au niveau national pour soulager les ménages et entreprises étranglés par les factures.
La France et l’Espagne notamment appliquent des plafonds aux prix de l’énergie. De même, l’Allemagne, première économie de l’UE, a annoncé jeudi qu’elle allait débloquer jusqu’à 200 milliards d’euros supplémentaires pour limiter les prix du gaz et de l’électricité.
L’association patronale européenne BusinessEurope a averti jeudi que les prix du gaz et de l’électricité faisaient peser un “risque imminent” de “pertes de production” et “d’arrêts de milliers d’entreprises européennes”.
Atténuer l’impact de ces prix est “une question de survie”, a-t-elle estimé.