Un projet d’embargo sur le pétrole et les produits pétroliers achetés à la Russie va être soumis mardi aux pays membres de l’UE mais la mesure suscite encore des réserves, ont indiqué à l’AFP plusieurs responsables et diplomates européens.
La Commission européenne a finalisé sa proposition pour un sixième paquet de sanctions contre Moscou pour tarir le financement de son effort de guerre contre l’Ukraine.
Un embargo pétrolier, mais des exceptions
Elle prévoit un arrêt progressif des achats européens sur une période de six à huit mois jusqu’à fin 2022, avec une exemption pour la Hongrie et la Slovaquie, deux pays enclavés et totalement dépendants des livraisons par l’oléoduc Droujba, qui pourront continuer leurs achats à la Russie en 2023, a précisé un responsable européen.
“L’ensemble du processus de remplacement prendra plusieurs années, je vais donc insister sur cette exemption”, a déclaré lundi le ministre slovaque de l’économie, Richard Sulik, au quotidien TASR. Cette dérogation pose problème car la Bulgarie et la République tchèque veulent également en bénéficier, ont expliqué des diplomates informés des discussions menées par la Commission. “Il y a des pays qui ne pourront le supporter”, dont la Bulgarie qui dépend quasiment 100% du pétrole russe, a averti dimanche à la télévision le Premier ministre Kiril Petkov.
Ainsi, “il faut éviter l’effet contamination, tout le monde va vouloir des exemptions. Il va falloir trouver les bonnes solutions”, a confié un responsable européen. Les commissaires doivent adopter la proposition mardi lors de leur réunion organisée à Strasbourg, en marge de la session plénière du Parlement. Les ambassadeurs des États membres recevront la proposition. Ils devront alors commencer à l’étudier.
Plusieurs sources indiquent qu’il n’y aura pas de communication de la Commission avant l’intervention de la présidente, Ursula von der Leyen, mercredi. “Je ne sais pas si l’adoption de la proposition sera possible d’ici au week-end”, a confié lundi le ministre allemand de l’Energie Robert Habeck à l’issue d’une réunion avec ses homologues à Bruxelles.
“L’unanimité est nécessaire, rien n’est garanti. Chaque nouveau paquet de sanctions contre la Russie est plus difficile à adopter car il impose des choix politiques à chaque Etat membre”, a expliqué le responsable européen.
Taxe sur les tankers
“Nous ne voterons pas pour des sanctions qui rendraient impossible l’approvisionnement de la Hongrie en pétrole ou en gaz”, a prévenu mardi le ministre des Finances hongrois Peter Szijjarto. “Il ne s’agit pas d’une décision politique (…) c’est une véritable question d’approvisionnement pour nous, car il est actuellement impossible de faire fonctionner la Hongrie et son économie sans le pétrole russe”, a-t-il justifié.
Selon le porte-parole du gouvernement hongrois, Zoltan Kovacs, 65 % du pétrole et 85 % du gaz utilisés par la Hongrie proviennent de Russie. “L’idéal serait que tout le monde fasse la même chose au même moment, mais si deux pays ont besoin de plus de temps pour cesser leurs achats, ce n’est pas si grave”, a estimé un diplomate européen.
La Russie exporte deux tiers de son pétrole dans l’UE. En 2021, elle a fourni 30% du brut et 15% des produits pétroliers achetés par l’UE et la facture s’est chiffrée à 80 milliards de dollars, a indiqué le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.
Outre l’embargo progressif, les Vingt-Sept examinent également des mesures immédiates comme une taxe sur le transport par tankers, selon le responsable européen.
Ce nouveau paquet de sanctions prévoit également l’exclusion d’autres banques russes du système interbancaire Swift, a déclaré lundi Josep Borrell. L’UE a déjà banni 7 établissements russes de Swift. La plus importante banque russe, la Sberbank, qui représente 37% du marché, en fera partie, selon plusieurs sources diplomatiques.