L’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février a déclenché une série de sanctions occidentales. Ces sanctions se matérialisent principalement dans le domaine économique, et notamment énergétique. La Russie est en effet l’un des plus grands exportateurs d’hydrocarbures au monde. L’UE envisage actuellement d’interdire les importations de charbon en provenance de Russie. Cependant, cette proposition fait débat, et nous allons voir pourquoi.
L’UE pourrait en réalité s’auto-sanctionner
En effet, ce plan d’interdiction du charbon russe pourrait à terme impacter négativement l’Union européenne. Pour le déduire, nous devons nous pencher sur l’histoire. Il existe un précédent d’un grand importateur de charbon sanctionnant les importations de l’un de ses fournisseurs principaux.
L’exemple de la Chine
La Chine avait en effet officieusement interdit les achats de charbon à son deuxième fournisseur, l’Australie. Cette décision faisait suite à un différent politique sur une série de questions concernant la pandémie de la COVID-19.
Les importations chinoises de charbon australien, cokéfiant et thermique, sont passées de 10,93 millions de tonnes en juillet 2020 à seulement 108 000 tonnes en janvier 2021. Elles sont restées à des niveaux bas depuis lors, Kpler ayant enregistré des importations de 242 569 tonnes le mois dernier. Lorsque l’interdiction informelle a été imposée, les exportateurs de charbon australiens se sont inquiétés de la perte d’un marché important.
Un retournement de situation
Les prix du charbon thermique australien ont en effet chuté dans un premier temps. Toutefois, le marché s’est rapidement adapté. L’Australie a augmenté ses ventes à des acheteurs traditionnels tels que le Japon, la Corée du Sud ou encore l’Inde. Les contrats à terme sur le charbon thermique australien, liés au prix de référence de Newcastle, ont par ailleurs commencé à se redresser.
Par la suite, cette interdiction a provoqué une pénurie en Chine. Au même moment, le charbon thermique australien montait en flèche. La pénurie de charbon en Chine a fait grimper les prix des catégories maritimes. De plus, elle est survenue au moment ou les pays réouvraient leurs économies après la pandémie. Il y a eu une forte reprise de la demande en électricité, et donc de charbon.
Les prix du charbon thermique australien ont, eux, continué de s’envoler. L’invasion de l’Ukraine a fait craindre une sanction des exportations du troisième exportateur mondial en la matière. Ainsi, une interdiction totale d’importer du charbon russe doit être discutée au préalable.
Des leçons à retenir
Si l’UE décide de mettre en place les sanctions envisagées, rien n’affirme que la dynamique sera similaire à celle de la Chine. Il y a cependant suffisamment de similitudes pour que la comparaison soit valable et pertinente.
Quelles alternatives au charbon russe ?
Afin de procéder à la mise en place d’une telle mesure, l’Union européenne doit s’assurer en amont d’avoir une alternative viable. En théorie, l’UE pourrait probablement remplacer le charbon russe. Rappelons que celui-ci représente 45 % de ses importations en la matière.
Toutefois, cela représenterait des coûts bien plus élevés. En effet, les services publics européens devront être prêts à payer des primes pour obtenir des cargaisons en provenance d’Afrique du Sud, des Amériques et même d’Australie et d’Indonésie.
De plus, le marché maritime est serré en Asie. Cela signifie que peu de cargaisons de charbon en provenance d’Australie ou d’Indonésie seront disponibles. Ce sera en tout cas le cas dans les semaines à venir.
Les vrais perdants de l’opération
La Russie, à l’image de l’Australie, pourrait donc se rétablir rapidement sur le marché. Il reste à voir si l’Inde et la Chine, qui n’ont pas condamné l’invasion, seront prêts à acheter davantage de charbon russe.
Quoi qu’il advienne, il est fort probable que l’UE et la Russie parviennent à trouver des alternatives. En réalité, une telle mesure aurait surtout un impact sur les pays tiers les plus pauvres. En effet, elle provoquerait nécessairement une augmentation, au moins temporaire, des prix du charbon.
Les pays les plus pauvres peuvent donc craindre de ne plus pouvoir suivre une telle montée des prix. Ils verront leur facture d’importation de charbon grimper en flèche et devront se démener pour trouver des alternatives. C’est ce qui s’est passé lors de l’embargo chinois sur le charbon thermique indien.