Luc Rémont quittera prochainement ses fonctions à la tête d’Électricité de France (EDF), deux ans après avoir succédé à Jean-Bernard Lévy. Sa nomination en novembre 2022 s’inscrivait dans une phase de recentralisation stratégique, marquée par le retour d’EDF dans le périmètre des entreprises entièrement détenues par l’État français. Malgré un redressement financier majeur et un bénéfice net inédit pour l’année 2024, les autorités gouvernementales ont choisi de ne pas renouveler son mandat.
Conflits de gouvernance sur fond de relance nucléaire
Dès sa prise de poste, Luc Rémont s’est vu confier la mission de remettre en état le parc nucléaire français, alors affaibli par des maintenances massives et des problèmes de corrosion détectés sur une partie des réacteurs. Au plus fort de la crise, près de la moitié des 56 réacteurs étaient à l’arrêt. L’État-actionnaire attendait une montée en puissance rapide de la production nucléaire, en cohérence avec la stratégie de réindustrialisation et d’électrification de l’économie. EDF devait ainsi s’engager dans un cycle d’investissements sans précédent, comme le signalait publiquement Luc Rémont.
Relations dégradées avec l’État et les clients industriels
Dans l’exercice de son mandat, Luc Rémont a tenté de préserver l’équilibre économique du groupe tout en répondant aux injonctions politiques. Des divergences sont apparues, notamment sur la tarification de l’électricité. Les industriels ont critiqué la hausse des prix, relayant une inquiétude sur leur compétitivité. Lors d’un conseil d’administration en septembre 2023, un échange tendu avec une représentante de l’État a illustré les tensions croissantes entre le dirigeant et l’actionnaire public, selon une source interne.
Une trajectoire entre haute fonction publique et industrie privée
Âgé de 55 ans, Luc Rémont est diplômé de l’École polytechnique. Il a commencé sa carrière à la Délégation générale pour l’armement (DGA) avant d’intégrer le ministère de l’Économie et des Finances, où il fut directeur de cabinet adjoint de Thierry Breton, alors ministre. Il a ensuite occupé des fonctions de direction dans la banque d’investissement Bank of America Merrill Lynch, puis chez l’équipementier Schneider Electric, où il a consolidé son profil industriel.
Un bilan contrasté dans la gestion interne
Malgré des critiques sur la gestion de l’information au sein du groupe, plusieurs représentants syndicaux ont souligné la volonté de Luc Rémont de défendre l’autonomie de gestion d’EDF. Gwenaël Plagne, secrétaire du comité social et économique central (CSEC) de l’énergéticien, estimait que le dirigeant cherchait à élargir ses marges de manœuvre commerciales face à un État soucieux de préserver le pouvoir d’achat et la compétitivité industrielle. La direction de Luc Rémont, bien que marquée par une communication restreinte en interne, a néanmoins été perçue comme plus ouverte au dialogue social que celle de son prédécesseur.