L’OPEP+, qui se réunit jeudi, devrait faire fi de la décision des 27 pays de l’UE d’arrêter l’essentiel de leurs importations de pétrole russe, et persister dans le statu quo avec le souci de ne pas contrarier Moscou. Rendez-vous désormais quasi mensuel depuis l’éclosion de la pandémie de Covid-19, les treize membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), menés par l’Arabie saoudite, et leurs dix partenaires conduits par la Russie, se retrouvent jeudi par visioconférence à Vienne, siège du groupe, pour fixer les quotas de production de juillet.
Réunion de l’OPEP+
Depuis la dernière réunion du groupe en mai, les cours du Brent de la mer du Nord ont bondi de près de 12% et ceux du WTI américain de plus de 10%, dopés notamment par la perspective de l’embargo européen. Mardi matin, ils ont grimpé respectivement jusqu’à 124,10 dollars et 119,43 dollars le baril, au plus haut en deux mois, quelques heures après l’annonce à Bruxelles d’un accord des Vingt-Sept. Après des semaines de négociations, les chefs d’Etat et de gouvernement réunis en sommet à Bruxelles ont donné leur feu vert à un arrêt progressif des importations de pétrole russe transporté par bateau, soit les deux-tiers des achats européens.
Immobilisme “hautement politique”
Cette nouvelle donne ne devrait cependant pas influer sur la politique du cartel, invariable depuis le printemps 2021: la grande majorité des analystes pronostiquent une nouvelle augmentation marginale du volume total de production, d’environ 432.000 barils par jour. Depuis le début de l’offensive russe en Ukraine, le groupe affiche son unité et n’a donc pas intérêt à “remplacer le pétrole russe”, souligne Ipek Ozkardeskaya, analyste pour la banque Swissquote. “Cela ferait doublement mal à la Russie: outre la perte d’un gros client (l’UE) elle gagnerait moins d’argent en raison de la baisse des cours qui résulterait de l’augmentation de l’offre de l’Opep+”, explique-t-elle à l’AFP.
Moscou voit en outre dans les prix “très élevés” du pétrole sur le marché un moyen de “maintenir la pression sur les pays qu’elle considère comme inamicaux”, relève Craig Erlam, chez Oanda. “La Russie étant l’un des deux membres les plus importants de l’alliance (avec l’Arabie saoudite, NDLR), toute décision d’élever la production est devenue hautement politique”, poursuit-il. Dans ces conditions, Ryad, meneur de facto de l’Opep+ et rare pays en capacité d’augmenter sa production, veille à ne pas agir unilatéralement, “certainement par crainte de provoquer des désaccords au sein de l’organisation”.
“Contraire à sa mission”
En d’autres termes, le groupe ne devrait pas réagir aux nouvelles sanctions européennes malgré l’envolée des prix. “Il y a peu d’espoir de le voir annoncer quoi que ce soit qui puisse soulager le marché”, résume Mme Ozkardeskaya. Les analystes s’attendent à une “réunion de formalité”. Les pays du G7 (États-Unis, Japon, Canada, France, Italie, Royaume-Uni, Allemagne) avaient exhorté une nouvelle fois vendredi “les pays producteurs de pétrole et de gaz à agir de manière responsable et à répondre au resserrement des marchés internationaux”, soulignant que “l’Opep+ a un rôle clé à jouer”.
Mais l’alliance, formée en 2016 dans le but de réguler le marché, reste inlassablement sourde aux nombreux appels des Occidentaux. Une telle attitude “est totalement contraire à sa mission qui vise à assurer un prix juste tant pour les consommateurs que pour les producteurs”, commente Stephen Innes, chez Spi Asset Management. “Difficile à digérer pour les ménages qui paient une facture salée à la pompe”, estime-t-il.