L’Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses alliés (Opep+) ont annoncé une réintroduction progressive de la production de pétrole à compter d’avril 2025, selon un communiqué publié le 3 mars 2025. Le cartel a décidé de revenir à une production plus élevée après plusieurs mois de restrictions sur l’offre, provoquées par la volonté de maintenir les prix du pétrole à un niveau élevé. L’objectif affiché est de réintroduire 2,2 millions de barils par jour de manière graduelle, à raison de 120 000 barils supplémentaires chaque mois pendant 18 mois.
Cette décision a eu un impact immédiat sur le marché. Le prix du Brent, la référence pour le pétrole en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient, a chuté sous les 70 dollars le baril, atteignant son plus bas niveau depuis septembre 2024, à 69,75 dollars. Cette baisse est directement liée à la reprise de la production, qui pourrait entraîner une surabondance de l’offre sur le marché mondial. Selon les analystes de DNB, cette situation pourrait faire chuter les prix à une fourchette comprise entre 60 et 70 dollars le baril, exacerbant ainsi un excédent d’offre.
Un changement stratégique de l’Opep+
Jusqu’à présent, l’Opep+ avait repoussé à trois reprises la hausse de la production lorsque le prix du Brent était tombé en dessous de la barre des 75 dollars. Toutefois, les membres du cartel ont indiqué que les perspectives du marché justifiaient cette réouverture des vannes. L’Arabie saoudite, la Russie, l’Irak, les Émirats arabes unis, le Koweït, le Kazakhstan, l’Algérie et Oman sont les principaux pays concernés par cette augmentation de la production.
Les analystes soulignent que la Russie, en particulier, a joué un rôle clé dans cette décision. Alors que l’objectif de Vladimir Poutine semble être de soutenir les négociations sur l’Ukraine, la stratégie pétrolière de la Russie pourrait également répondre aux pressions exercées par des acteurs internationaux, notamment l’administration Trump. Celle-ci a, en effet, exprimé son désir de voir une baisse des prix du pétrole pour lutter contre l’inflation aux États-Unis. Selon l’analyste Arne Lohmann Rasmussen de Global Risk Management, la signature d’un accord « favorable » pour la Russie en Ukraine pourrait avoir influencé cette réouverture de la production.
Une pression internationale sur l’Opep+
La décision d’augmenter la production n’est pas seulement liée à la demande interne de l’Opep+, mais aussi aux pressions externes. L’ancien président américain Donald Trump a publiquement exhorté le cartel à augmenter la production afin de faire baisser les prix de l’énergie. Lors du Forum économique mondial de Davos en janvier, Trump avait déclaré : « Je vais demander à l’Arabie saoudite et à l’Opep de baisser le coût du pétrole ». Cette pression pourrait expliquer la décision de l’Opep+ d’accélérer la réintroduction de barils sur le marché mondial.
En parallèle, la politique américaine vis-à-vis du Venezuela et de l’Iran a également eu un impact sur cette décision. La décision de l’administration Trump d’annuler la licence d’exploitation de Chevron au Venezuela, qui pourrait réduire la production de 100 000 barils par jour, a créé un espace pour une augmentation de la production par l’Opep+. De plus, la pression sur l’Iran, visant à réduire ses exportations pétrolières, pourrait également contribuer à libérer de l’espace pour les producteurs de l’Opep+ sans provoquer une hausse significative des prix.
Les implications pour l’équilibre du marché
Bien que certains membres de l’Opep+ souhaitent depuis longtemps augmenter leur production, cette décision présente des risques. Les pays comme l’Irak et le Kazakhstan ont régulièrement produit au-delà de leurs quotas ces derniers mois, ce qui a posé des problèmes de conformité au sein du groupe. Cette nouvelle politique pourrait donc entraîner une nouvelle dynamique au sein de l’Opep+, avec un risque accru de divergences entre les membres du cartel.
Les producteurs américains, par ailleurs, sont particulièrement vulnérables à une chute prolongée des prix. Selon Jorge Leon de Rystad Energy, une baisse des prix en dessous de 60 dollars le baril pourrait rendre l’exploitation de certains gisements de pétrole de schiste non rentable, mettant ainsi en péril la rentabilité de nombreux producteurs américains. Cette situation montre à quel point l’Opep+ doit maintenir un équilibre délicat pour satisfaire les intérêts de ses membres tout en évitant une crise sur le marché pétrolier mondial.