L’OPEP, à la demande de Riyad, annonce l’abandon des données de l’International Energy Agency (IEA). Les tensions entre Riyad et Washington se refroidissent encore.
Des tensions entre l’OPEP et l’Occident
Les membres de l’OPEP+ ont jusqu’à présent ignoré les appels occidentaux à augmenter la production. Cette demande vise à faire baisser les prix du pétrole, qui avoisinent actuellement les 100$ le baril. La question est délicate, car l’énergie chère, en partie à cause de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, a alimenté l’inflation. Le président américain, Joe Biden, subit par ailleurs des pressions pour faire baisser les prix records de l’essence aux États-Unis.
Ainsi, toute volonté de Riyad et de ses alliés d’aider les États-Unis semble progressivement s’éroder. Washington n’a pas répondu aux préoccupations des puissances du Golfe concernant l’Iran et sa politique nucléaire. De plus, les États-Unis ont également mis fin à leur soutien aux opérations offensives de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite au Yemen. En outre, Joe Biden a refusé de traiter directement avec le prince héritier Mohammed Bin Salman.
Une décision symbolique
Dans ce contexte, une discussion technique de l’OPEP+ qui a duré plus de six heures en mars s’est terminée par une décision unanime d’éliminer les chiffres de l’IEA lors de l’évaluation de l’état du marché pétrolier. La réunion était coprésidée par l’Arabie saoudite et la Russie.
Cette décision est largement symbolique. Elle reflète une frustration croissante à l’égard de ce que l’OPEP+ considère comme un parti pris de l’IEA en faveur des États-Unis. Des sources de Reuters ont notamment cité la forte révision à la hausse de la demande historique de l’IEA en février. Elles évoquent également la vision de l’agence sur la quantité de brut russe que les sanctions occidentales retireraient du marché. Une source directement impliquée dans la décision déclare à Reuters :
« L’IEA a un problème d’indépendance, qui se traduit par un problème d’évaluation technique ».
Les ministères de l’énergie de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis n’ont pas répondu à une demande de commentaire. Toutefois, l’une des sources est allée jusqu’à décrire la situation comme une « guerre froide » et a reproché à l’IEA de l’avoir déclenchée.
Toutefois, l’IEA a déclaré à Reuters que son analyse des données était politiquement neutre :
« L’IEA s’efforce de fournir une vision impartiale et indépendante des fondamentaux du marché pétrolier et les considérations politiques n’ont jamais été un facteur dans la façon dont l’agence évalue les perspectives du marché ».
IEA – OPEP+ : des relations historiquement tendues
L’IEA a été créée en 1974 pour aider les pays industrialisés à faire face à la crise pétrolière. L’organisme regroupe 31 pays et conseille les gouvernements occidentaux. Elle a vu les marchés de l’énergie se transformer depuis sa création. Plus encore, ses relations avec l’OPEP ont connu des hauts et des bas.
De fait, avant même le regain de tension de cette année, des différends existaient déjà. Ainsi, le rapport de l’IEA publié l’an dernier et concernant l’urgence climatique avait été un point d’inflexion pour l’Arabie saoudite. Le rapport concluait qu’il ne fallait pas investir dans de nouveaux projets d’hydrocarbures afin d’atteindre le Net Zero en 2050. Cela a exacerbé les craintes de l’OPEP+ que l’IEA ne tienne pas compte de l’ampleur de la demande continue à moyen terme.
Ainsi, l’OPEP+ a fait la sourde oreille à la demande de l’IEA de fournir du pétrole supplémentaire afin de faire baisser les prix pour satisfaire l’Occident. Elle considérait que le marché était suffisamment approvisionné. De plus, certains membres de l’alliance se sont montrés ouvertement critiques. Le ministre de l’énergie des Émirats arabes unis, Suhail al-Mazrouei, s’est notamment exprimé. Il a demandé à l’IEA d’être « plus réaliste » et de ne pas diffuser d’informations trompeuses.
Les relations entre l’IEA et l’OPEP sont donc plus tendues que jamais. Il sera nécessaire de surveiller attentivement l’évolution de leurs liens, qui pourrait être un facteur déterminant pour le futur du marché énergétique.