Londres s’est résolu jeudi à instaurer une taxe sur les bénéfices des géants pétroliers pour financer des milliards de livres d’aides face à la flambée du coût de la vie, après avoir refusé de le faire pendant des semaines.
Ces annonces surviennent au lendemain d’un rapport accablant sur de multiples fêtes arrosées à Downing Street en plein confinement qui fragilise à nouveau le Premier ministre Boris Johnson, décidé à tourner la page.
L’inflation gagne du terrain
Le ministre des Finances Rishi Sunak a dévoilé jeudi au Parlement un paquet d’aides de 15 milliards de livres pour les ménages les plus défavorisés, face à une inflation au plus haut en 40 ans, à 9% sur un an en avril.
Un Britannique sur cinq dit ne plus parvenir à boucler ses fins de mois, d’après un sondage de O publié jeudi. L’invasion russe de l’Ukraine aggrave encore la flambée des prix de l’alimentation et de l’énergie. Elle doit encore empirer en octobre, période à laquelle le Royaume-Uni relèvera le plafond des tarifs énergétiques.
Rishi Sunak a affirmé à Westminster que grâce à ces mesures, les Britanniques les plus modestes “sentiront le poids (de l’inflation) s’apaiser”.
D’après un communiqué du Trésor britannique, “près d’un ménage sur 8 parmi les plus vulnérables au Royaume-Uni recevra au moins 1.200 livres cette année, y compris un paiement unique de 650 livres face au coût de la vie, une hausse du revenu minimal (Universal Credit) de 400 livres et un doublement de la réduction sur les factures énergétiques”.
Au total, avec les mesures évaluées à 22 milliards de livres déjà annoncées, le total des aides face “au coût de la vie pour les ménages à bas revenus atteint 37 milliards de livres cette année”, relève le Trésor.
Une taxe pour finacer des mesures économiques
Une taxe « temporaire de 25% sur les bénéfices énergétiques pour les entreprises de pétrole et gaz, reflétant leurs profits extraordinaires » depuis le début de la guerre en Ukraine financera ces mesures.
Elle devrait permettre de lever 5 milliards de livres, selon le Trésor, qui précise cependant qu’elle pourra être largement réduite grâce à une “super réduction” si les géants énergétiques visés investissent dans de nouvelles sources d’énergie.
“Les entreprises vont dans l’ensemble recevoir 91 pence (de crédit d’impôt) pour chaque livre investie”, détaille le Trésor.
La taxe exceptionnelle ne s’applique pour l’instant pas aux énergéticiens, contrairement à certaines informations de presse des derniers jours, mais le gouvernement “est en consultation avec le secteur (…) et va d’urgence évaluer l’ampleur de (leurs) bénéfices extraordinaires pour prendre les mesures appropriées”.
“Il était temps”
L’opposition travailliste a ironisé jeudi sur cette apparente volte-face, après plusieurs mois de refus persistant du gouvernement conservateur de Boris Johnson de taxer les “majors” pétrolières par peur de décourager l’investissement dans la transition vers la neutralité carbone et la sécurité énergétique, en écho aux arguments du secteur.
“Il était temps”, a estimé Sam Nadel, directeur des relations gouvernementales chez Oxfam, ONG de lutte contre la pauvreté.
Cependant, a-t-il ajouté, “la crise des prix de l’énergie est un rappel sombre de notre sur-dépendance aux énergies fossiles. Nous devrions renforcer notre sécurité énergétique en investissant dans nos abondantes ressources renouvelables qui sont des formes d’énergie abordables, sûres et propres”.
Des contestations
Pour l’ONG écologiste Greenpeace, la taxe sur les profits des géants des hydrocarbures est insuffisante et aurait dû atteindre 70%, ce qui aurait permis “non seulement un soutien à court terme mais aussi des améliorations des logements pour s’assurer qu’ils utilisent et gâchent moins d’énergie, et garder les factures plus basses pour les années à venir”.
Michael Hewson, analyste de CMC Markets, déplore “une politique énergétique en miettes qui change de direction plus souvent que le vent”.
Si le gouvernement appelle désormais le secteur des pétrole et gaz à l’investissement “pour soutenir l’économie britannique, les emplois et la sécurité énergétique”, note-t-il, “ce n’était pas le cas il y a un an, autrement les investissements dans les (projets pétroliers de) Cambo et Jackdaw (en mer du Nord) auraient déjà été approuvés”.