Le gouvernement britannique a donné son feu vert mercredi au projet de nouvelle centrale nucléaire EPR Sizewell C, porté par EDF, alors que la guerre en Ukraine et une vague historique de chaleur ont remis l’atome au centre de la politique énergétique du pays.
Ce projet “implique la construction d’une nouvelle centrale nucléaire produisant une électricité fiable et à faible émission de carbone pour aider” le pays à atteindre son objectif de neutralité carbone en 2050, selon un communiqué. La centrale pourra alimenter 6 millions de foyers.
“Sizewell C a fait un pas de plus vers le début de sa construction après que le gouverement a donné aujourd’hui son approbation pour la nouvelle centrale nucléaire dans le Suffolk”, à l’est du Royaume-Uni, s’est félicité EDF dans un communiqué.
En pleine crise du coût de la vie tirée par l’envolée des factures d’énergie et alors que la guerre en Ukraine a remis l’indépendance énergétique au centre de l’attention, le Royaume-Uni veut accélérer le développement de l’atome. Beaucoup de ses 15 réacteurs actuels sont toutefois en fin de vie et la seule centrale actuellement en construction, Hinkley point C, projet lui aussi porté par EDF – avec le chinois CGN -, a vu ses coûts s’envoler et n’ouvrira pas avant 2027.
Londres prévoit jusqu’à huit nouveaux réacteurs d’ici 2050 sur certains de ses huit sites nucléaires désignés, avec pour objectif de fournir 25% de la demande en électricité. Mais sa stratégie repose notamment sur de petits réacteurs modulaires construits par Rolls Royce, qui nécessiteront encore des années de développement: le premier ne sera pas opérationnel avant le début des années 2030.
“Mastodontes boîteux”
Le Royaume-Uni a connu mardi son record absolu de température à plus de 40°C et alors que la campagne des Conservateurs pour choisir un nouveau Premier ministre bat son plein, l’opposition comme les entreprises réclament l’accélération de la stratégie climatique du pays.
Mais les centrales nucléaires, avec leurs coûts qui s’envolent et les déchets qu’elles produisent pour des générations, sont une mauvaise piste, a dénoncé mercredi l’ONG écologiste Greenpeace. Elle les qualifie dans un communiqué de “mastodontes boîteux” et critique aussi le choix d’EDF “entre ses réacteurs défectueux et la nécessité d’être nationalisée”, après la récente annonce du gouvernement français de reprendre 100% du capital de l’entreprise.
L’autorité britannique de réglementation nucléaire (ONR) a d’ailleurs mis en lumière la semaine dernière des “lacunes” en matière de sécurité au sein d’EDF, qui exploite l’ensemble du parc nucléaire d’outre-Manche, notamment sur les questions de cybersécurité.
Sizewell C est un projet de centrale évalué par la presse britannique à 20 milliards de livres comportant deux réacteurs EPR d’une puissance de 3,2 GW, dont EDF détient 80%, là aussi aux côtés du chinois CGN qui détient le reste.
Alors que l’influence de la Chine dans les actifs stratégiques britanniques est régulièrement dénoncée par des députés conservateurs, le communiqué ne précise pas si CGN sera toujours partenaire ou s’il sera finalement évincé, comme évoqué par la presse britannique depuis des mois.
Une porte-parole du ministère de l’Énergie interrogée par l’AFP sur la participation ou l’exclusion de CGN s’est contentée de répondre que “les négociations commerciales qui se poursuivaient étaient strictement séparées de celle sur la demande d’approbation du projet”.
Participation du gouvernement
Le bouclage du financement du projet pourrait durer encore jusqu’à l’an prochain. Londres avait annoncé en janvier injecter 100 millions de livres supplémentaires pour le développement de Sizewell C, et “attirer d’autres financements d’investisseurs privés”.
Le gouvernement britannique a prévu dans ses orientations budgétaires publiées en octobre jusqu’à 1,7 milliard de livres qui pourraient être affectés au développement de ce projet, dans lequel Londres pourrait prendre une participation directe.
L’exécutif avait annoncé en octobre un nouveau modèle de financement de ses projets de centrales nucléaires qui devrait en faire baisser le coût global, mais il est critiqué car il fait peser une partie du coût sur les factures énergétiques des particuliers. Le gouvernement disait ainsi espérer réaliser des économies de plus de 30 milliards de livres sur chaque nouveau projet de centrale nucléaire de grande échelle, notamment en faisant baisser les intérêts des emprunts des constructeurs.
Ce nouveau mode de financement est aussi censé réduire la dépendance du pays aux développeurs étrangers en augmentant le recours aux fonds de pension, assureurs et autres investisseurs institutionnels britanniques.