Le gouvernement italien a relancé vendredi l’idée d’un retour à l’énergie nucléaire, rompant ainsi avec près de quarante ans d’opposition populaire. Selon le ministre de l’énergie, Gilberto Pichetto Fratin, cette réévaluation vise à renforcer la sécurité énergétique du pays, à soutenir la décarbonation et à réduire les coûts de l’électricité. Il a précisé qu’un cadre juridique pour autoriser le nucléaire serait élaboré dans l’année à venir, avec un objectif de déploiement de réacteurs traditionnels ou de nouvelle génération.
La proposition survient dans un contexte de crise énergétique exacerbée par la guerre en Ukraine. Le nucléaire pourrait, selon le gouvernement, être un complément aux énergies renouvelables pour garantir la stabilité de l’approvisionnement, tout en contribuant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Toutefois, les experts soulignent que la mise en œuvre de ce projet prendra au minimum une décennie, en raison des défis technologiques et financiers associés à la construction de nouveaux réacteurs.
L’histoire du nucléaire en Italie
L’Italie a été pionnière dans l’exploitation de l’énergie nucléaire, avec quatre réacteurs en service jusqu’à la fin des années 1980. Cependant, après l’accident de Tchernobyl en 1986, un référendum populaire a conduit à la fermeture progressive des centrales. Un autre référendum en 2011, après la catastrophe de Fukushima, a permis de confirmer le rejet du nucléaire. Actuellement, les sites de production nucléaire sont en cours de démantèlement et le pays ne dispose toujours pas de solution de stockage des déchets radioactifs.
Les tensions entre politique et économie
Le projet de retour au nucléaire est soutenu par les entreprises, qui espèrent une réduction significative de leurs coûts énergétiques. L’organisation patronale Confindustria a appelé à la réactivation des réacteurs existants, et des discussions sont en cours pour installer de petits réacteurs modulaires (SMR). Toutefois, des voix s’élèvent pour dénoncer le coût élevé de cette option. Beatrice Petrovich, analyste au sein du groupe de réflexion Ember, estime que le nucléaire est plus onéreux et plus long à déployer que les énergies renouvelables comme l’éolien ou le solaire.
La dépendance accrue à l’uranium, source d’approvisionnement extérieure, pourrait également constituer un risque géopolitique, selon Petrovich. En outre, les opposants soulignent qu’un tel projet pourrait détourner l’attention de solutions plus rapides et moins coûteuses, comme l’augmentation de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique.
Les perspectives d’avenir pour l’Italie
Le ministre Pichetto Fratin a évoqué des financements publics et privés pour soutenir ce projet nucléaire, tandis que des entreprises comme Enel, Ansaldo et Leonardo sont déjà impliquées dans la création de SMR. Ces petits réacteurs modulaires, plus flexibles et plus rapides à installer, seraient vus comme une alternative plus adaptée au contexte italien. Cependant, selon certains experts, il est peu probable que l’Italie voie la mise en œuvre effective de l’énergie nucléaire avant plusieurs décennies, en raison des obstacles politiques, sociaux et techniques.