Les lignes directrices de l’EU (Union européenne) imposent une preuve d’origine des carburants et la ségrégation des bruts ou une période documentée sans traitement de brut russe. La charge initiale de justification pèse sur l’importateur européen, qui doit obtenir des attestations précises du raffineur et des logisticiens. Les exemptions restent limitées, ce qui réduit l’intérêt des routes indiennes vers l’Europe lorsque les paniers de brut incluent des volumes russes. Les acteurs réallouent les cargaisons de diesel vers des marchés où les exigences documentaires diffèrent et où les différentiels de prix compensent les coûts de conformité.
Flux réalloués et parts de marché
Les expéditions de diesel depuis l’Inde vers le Brésil ont atteint environ 210 000 barils par jour en septembre, soit un triplement sur un mois. La part de l’Inde dans les importations brésiliennes de gasoil a progressé d’environ 10 % en août à un niveau proche de 75 % en octobre. Les flux vers l’Afrique de l’Ouest (WAF, West Africa) ont approché 170 000 barils par jour en août, tandis que les envois vers l’Afrique de l’Est (EAF, East Africa) ont atteint environ 160 000 barils par jour en octobre. La part de l’Europe dans les exportations indiennes de diesel a reculé d’un pic proche de 36 % à environ 19 % en cumul annuel, alors que l’Afrique s’établit autour de 40 %.
Le prix « ship-to-ship » (STS, transfert navire à navire) à Lomé pour le gazole à faible teneur en soufre s’est établi à environ 661 dollars par tonne au 21 octobre. Ce niveau reflète une prime d’environ 18 dollars par tonne par rapport au contrat de référence ICE Low Sulphur Gasoil (ICE LSGO, gazole à faible teneur en soufre). La présence d’un repère régional transparent facilite l’orientation des cargaisons indiennes vers les hubs ouest-africains. Les différentiels observés soutiennent la compétitivité des volumes non destinés à l’Europe.
Contrainte d’offre et ajustements logistiques
Les frappes de drones sur des raffineries russes ont réduit l’aptitude de certaines unités à livrer des produits, avec une baisse notable des exportations maritimes de carburants en septembre. Cette contraction limite l’offre disponible vers l’Afrique et accroît l’espace pris par les cargaisons indiennes. La montée en régime du complexe nigérian Dangote influe principalement sur la balance essence à court terme, l’Afrique de l’Ouest restant importatrice nette de diesel. Les terminaux de stockage et de mélange comme Fujairah servent de points d’organisation des chaînes documentaires, avec des lots séparés afin de répondre aux exigences de traçabilité.
Les documents contractuels intègrent des attestations de provenance, des schémas de ségrégation et des périodes de non-traitement afin d’aligner les livraisons sur les règles européennes. Les schémas de livraison de type Delivered At Place (DAP, livraison au lieu de destination) et les opérations STS à Lomé soutiennent la distribution régionale et l’ancrage des prix. Les chaînes de paiement et d’assurance vérifient l’exposition aux risques du Office of Foreign Assets Control (OFAC, Bureau de contrôle des avoirs étrangers) lorsque des contreparties occidentales interviennent. L’ensemble de ces paramètres oriente les arbitrages vers des routes non européennes lorsque la conformité documentaire ne peut être garantie sans coûts supplémentaires.
Entreprises concernées et implications commerciales
Reliance Industries répartit ses volumes entre marchés offrant des primes régionales et lots conformes destinés à l’Europe, en fonction des exigences de ségrégation. Nayara Energy, opérant le site de Vadinar, est soumise à des mesures restrictives européennes qui affectent ses options d’exportation et ses interactions bancaires. Les volumes vers le marché domestique sont renforcés via Hindustan Petroleum Corporation Limited (HPCL, raffineur et distributeur indien) pour stabiliser les débits. Les importateurs européens demandent des preuves d’origine détaillées, ce qui conditionne l’accès aux terminaux et la planification des programmes de chargement.