L’Inde continue d’importer du charbon russe. Le pays profite d’un charbon à prix réduit, alors que la crise énergétique entraîne une flambée des prix. Malgré les engagements climatiques de l’Inde lors de la COP 26, le pays mise sur le charbon, surtout russe.
Pour rappel, les prix mondiaux du charbon thermique atteignent des records à cause du conflit russo-ukrainien. Cela s’explique par la demande européenne supplémentaire, du fait des sanctions contre la Russie.
Entre février et juillet, le prix du CIF ARA 6.000 kcal/kg NAR passe de 209 $/t à 413,45$/t. Le 23 juin, on atteint un nouveau record avec 432,50$/mt.
Le charbon, un combustible en plein essor en Inde
En Inde, le charbon fournit 69,9% d’électricité, soit 1.490,277 milliards d’unités au cours de la période 2021-22 (avril-mars). Sur un an, cela représente une hausse de 9,5%.
Alors que les prix flambent, Coal India Limited (CIL) propose à ses clients des prix très compétitifs. Au cours des quatre dernières années, il n’y a pas eu d’augmentation de prix. Sur la période 2021-22, la production de CIL atteint 622,63 millions de tonnes, un record historique pour l’entreprise. Cela représente une hausse de 4,4% sur l’année.
Pour répondre à la demande interne croissante, la production totale de charbon s’élève à 777 millions de tonnes sur la même période contre 716 millions de tonnes en 2020-21.
L’Inde multiplie les projets
Par ailleurs, l’entreprise nationale indienne continue de développer son industrie charbonnière. Au cours de l’exercice 2021-22, 16 projets miniers ont été approuvés par CIL et les conseils d’administration de ses filiales. Ces projets miniers permettront une capacité de 99,84 millions de tonnes/an.
De plus, 5 projets miniers ont été achevés sur la période. Ainsi, cela représente 12,6 millions de tonnes par an. Grâce à l’engagement du modèle Mine Developer cum Operators (ou MDO), CIL prévoit de mettre en service 14 mines. Ces mines permettront d’extraire 165,58 millions de tonnes/an.
Parmi les 14 mines, 10 sont des projets à ciel ouvert qui fourniront la majorité de l’approvisionnement, soit 161,50 millions de tonnes/an. Pour le reste des mines, ce sont quatre projets souterrains représentant 4,08 millions de tonnes/an.
Toutefois, nombreux de ses projets sont en retard en raison des délais dans l’octroi d’autorisation ainsi que de problèmes de possession de terres.
En Inde, les énergies renouvelables peinent à s’imposer
En comparaison, l’électricité produite par les sources renouvelables représente l’année dernière, 11,4%, soit 169,396 milliards d’unités. Pour le charbon, cela correspond à 1.041,459 milliards d’unités.
Dans un communiqué, le président et directeur de Coal India, Pramod Agrawal, explique:
« L’entrée de sources d’énergie renouvelables ne doit pas être considérée comme une menace pour la position du charbon, du moins dans un avenir immédiat, car le charbon continuerait d’alimenter la production d’électricité de l’Inde selon le modèle de consommation actuel. […] Mais, tant que les énergies renouvelables ne commenceront pas à contribuer dans la mesure où elles pourraient prendre le relais du charbon, le charbon ne pourra pas être détrôné de son piédestal énergétique. »
De ce fait, le charbon satisfait plus de 70% des besoins énergétiques de l’Inde. Ce combustible fossile permet l’expansion de la production d’électricité. Ainsi, en Inde, le charbon est la principale source d’énergie.
Pramod Agrawal ajoute:
« Ce qui fait du charbon un combustible énergétique privilégié en Inde, c’est son abondance, sa disponibilité et son prix abordable.[…] Le charbon, qui détient une part de 55% de l’énergie commerciale primaire du pays, est le moteur de la croissance du secteur de l’énergie. »
Qui fournit l’Inde en charbon ?
D’une part, l’Indonésie conserve sa première place de fournisseur en Inde. Ses importations ont même augmenté pour atteindre 68,2 millions de tonnes entre février et juillet. L’année dernière, à cette même période, les importations s’élevaient à 38,5 millions de tonnes.
D’autre part, l’Afrique du Sud reste le deuxième fournisseur de charbon du pays. Pourtant, les volumes d’approvisionnement sont actuellement à 11,5 millions de tonnes, au lieu de 14,3 millions de tonnes en 2021.
D’après les données de S&P Global Commodities at Sea, la Russie devient le troisième fournisseur de charbon thermique de l’Inde en juillet. Depuis février, l’Inde a importé 5,3 millions de tonnes de charbon russe. Cela représente une augmentation de 104% par rapport à l’année dernière à cette même période. Cette troisième place de la Russie s’explique par la chute des exportations américaines vers l’Inde.
Chute des importations en provenance des États-Unis et de l’Australie
Si la Russie gagne du terrain, les exportations états-uniennes et australiennes vers l’Inde sont de moins en moins nombreuses.
De fait, sur un an, les importations australiennes passent de 10,9 millions de tonnes à 5,6 millions de tonnes. Idem pour les États-Unis. Les exportations chutent de 52% pour atteindre 3,4 millions de tonnes.
Toutefois, les États-Unis ont su s’adapter. Ils se tournent désormais vers le marché européen. Selon Platts Analytics:
« La chute des exportations américaines vers l’Inde a cependant amélioré la capacité des exportations américaines à réapprovisionner l’Europe, qui cherche des tonnages de remplacement pour le matériel russe avant l’interdiction du mois d’août, et le charbon est un combustible d’équilibre indispensable en cette période de volatilité. »
En somme, malgré la hausse des prix du charbon sur les marchés, l’Inde multiplie les importations. En juillet, celles-ci atteignent 96,8 millions de tonnes. À titre de comparaison, l’année dernière elles étaient de 75 millions de tonnes.
Un contexte favorable pour la Russie
Le contexte semble alors profiter à la Russie, qui a su se tourner vers les marchés asiatiques pour faire face aux sanctions imposées par l’Occident. Une source chez S&P Global Commodity Insights explique:
« Au départ, lorsque les Russes ont commencé à vendre du charbon à prix fortement réduit en Inde, les banques n’étaient pas prêtes à négocier en roubles ou en yuans chinois, ou toute autre devise que le dollar américain. Ces quatre dernières semaines, les banques [indiennes] se sont adaptées, et maintenant l’augmentation du charbon russe repousse le charbon américain, sud-africain, australien et certains charbons indonésiens à CV plus élevé. »
Nombreux sont les fournisseurs de charbon subissant la hausse des prix. Par exemple, le charbon sud-africain atteint, le 29 juillet, 238,35 $/mt FOB contre 231,9 $/mt FOB avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Au contraire, la Russie propose un charbon très attractif. Celui-ci est de meilleure qualité et se vend, au 29 juillet, à 158 $/mt FOB contre 200 $/mt FOB le 25 février. De plus, selon une source chez S&P Global, le charbon russe à la côte en Inde. Il explique:
« Les utilisateurs indiens de ciment préfèrent le charbon russe et le mélangent au charbon national, au point de concurrencer le coke de pétrole vénézuélien. »
Ainsi, la flambée des prix n’empêche pas la Russie de trouver des débouchés pour son charbon. Au contraire, elle s’avère indispensable dans certains pays comme l’Inde du fait de sa compétitivité imbattable.