L’Inde renforce sa stratégie de diversification de ses sources de pétrole brut en se tournant vers le Brésil. Cette initiative survient dans un contexte de tensions accrues au Moyen-Orient, poussant le pays asiatique à rechercher des alternatives fiables pour sécuriser ses approvisionnements énergétiques. Le ministre indien du Pétrole, Hardeep Singh Puri, a récemment effectué une visite au Brésil pour discuter de l’expansion des achats de pétrole brut et explorer des opportunités de collaboration dans les projets d’exploration et de production en eaux profondes et ultra-profondes.
Malgré ces efforts, les exportations brésiliennes de pétrole brut vers l’Inde ont connu une baisse ces derniers mois. En 2024, les importations ont eu lieu seulement pendant cinq mois, atteignant un pic de 41 600 barils par jour (b/j) en avril, selon les données de S&P Global Commodities at Sea. En décembre 2023, les importations étaient plus élevées, avec 143 000 b/j. Toutefois, les analystes estiment que les raffineries indiennes, désormais plus ouvertes à la diversification, pourraient envisager d’augmenter les volumes d’achats ponctuels ainsi que les contrats à terme pour le brut brésilien.
Diversification des Sources de Pétrole en Inde
Tushar Tarun Bansal, directeur principal chez Alvarez and Marsal, souligne que la diversification des sources de pétrole est une priorité pour le gouvernement indien et ses raffineries. Une collaboration étroite entre les autorités indiennes et brésiliennes pourrait non seulement augmenter les approvisionnements à long terme, mais aussi ouvrir des avenues pour des investissements en amont visant à sécuriser ces fournitures. Selon S&P Global Commodity Insights, la période de 2000 à 2015 a été marquée par une internationalisation agressive des entreprises en amont, y compris les entreprises indiennes qui ont étendu leurs opérations à l’international.
Rajeev Lala, directeur pour les entreprises en amont et les transactions chez Commodity Insights, explique que le secteur des eaux profondes au Brésil était l’une des zones émergentes les plus attractives, attirant de nombreux acteurs mondiaux, y compris des entreprises indiennes. Cependant, l’attention était majoritairement portée ailleurs, notamment sur la Russie et le Venezuela, limitant ainsi l’engagement des entreprises indiennes au Brésil. Aujourd’hui, cette dynamique change, avec une plus grande ouverture des entreprises indiennes à l’investissement outre-mer.
Projets et Investissements en Cours
Les entreprises indiennes maintiennent une certaine exposition au Brésil, notamment avec les projets BC-10 de la Oil and Natural Gas Corporation (ONGC) dans le bassin de Campos et la participation de Bharat Petroleum Corporation Limited (BPCL) dans cinq blocs offshore. Bien que la production issue de ces investissements soit minime, environ 8 000 b/j en 2023, de nouveaux projets prévus pour 2024 devraient porter cette production à environ 40 000 barils équivalent pétrole par jour (boe/j) d’ici 2028. Parmi ces projets figurent SEAP 1 et Wahoo pour BPCL, ainsi que SEAP 2 pour ONGC.
En juillet 2022, le cabinet du Premier ministre Narendra Modi a approuvé une proposition d’investissement de 1,6 milliard de dollars pour développer un bloc pétrolier au Brésil, dans le but de sécuriser des parts de pétrole à l’étranger. Un expert en négoce pétrolier indien a déclaré que cette stratégie vise à renforcer à la fois les liens en amont et en aval avec le Brésil, offrant ainsi des avantages aux raffineries et aux entreprises en amont indiennes grâce à une approche plus globale.
Défis Logistiques et Concurrence sur le Marché
Malgré ces initiatives, plusieurs obstacles persistent dans l’expansion des importations de brut brésilien vers l’Inde. Mark Esposito, analyste principal chez Commodity Insights, souligne que la concurrence intense des grades sours du Moyen-Orient et du brut russe à prix réduit constitue des défis majeurs pour le pétrole brésilien sur le marché indien. Actuellement, le brut sour russe Urals domine le marché indien, représentant 42 % des importations de l’Inde cette année, limitant ainsi les opportunités pour des alternatives.
De plus, les contraintes logistiques réduisent l’attrait du pétrole brésilien. Le coût d’expédition du brut depuis certaines destinations du Moyen-Orient est d’environ 4 à 6 dollars par tonne métrique (mt) avec un délai d’une semaine, tandis que le coût depuis le Brésil s’élève à 15 à 20 dollars par mt avec un temps de transport d’environ un mois. Ces différences de coûts et de délais représentent des défis significatifs pour l’Inde dans sa quête de diversification.
Perspectives Futures et Concurrence Internationale
Selon les données de CAS, les importations indiennes de pétrole brut en provenance de Russie ont atteint 1,7 million de b/j entre janvier et septembre, soit plus de 40 % du total des importations. L’Irak et l’Arabie Saoudite suivent en deuxième et troisième position avec respectivement 940 000 b/j et 623 000 b/j sur la même période. Les États-Unis et les Émirats arabes unis se classent cinquième et quatrième, avec 215 000 b/j et 423 000 b/j.
Par ailleurs, les négociants et analystes estiment que l’Inde pourrait également faire face à une concurrence accrue de la Chine pour le brut brésilien, la Chine étant confrontée à des difficultés pour s’approvisionner en pétrole iranien et cherchant des alternatives. Un expert en raffinage indien a indiqué que la disponibilité supplémentaire de volumes brésiliens pour l’Inde dépendra en grande partie des accords conclus avec les acheteurs chinois, qui ont traditionnellement privilégié le brut brésilien.