Mohamed Aoun, ministre libyen du pétrole, revient à son poste après une suspension de deux mois par l’ACA (Administrative Control Agency) pour une « violation légale ». Selon une déclaration sur la page Facebook du ministère du pétrole, Aoun reprend ses fonctions et travaille « à son bureau du ministère ». L’ACA, chargée de superviser la performance du gouvernement, termine son enquête le 12 mai et lève la suspension préventive. Les représentants du ministre refusent de commenter davantage son retour.
Contexte politique et économique
Depuis la chute de Moammar Kadhafi en 2011, la Libye est plongée dans le chaos avec des gouvernements rivaux à l’est et à l’ouest. Aoun, nommé en 2021, fait partie du Gouvernement d’Union Nationale (GNU) basé à Tripoli, reconnu internationalement, bien que ses relations avec le Premier ministre Abdul Hamid al-Dbeiba soient tendues. Malgré cette instabilité, la production pétrolière se stabilise ces dernières années, atteignant 1,17 million de barils par jour (b/j) en avril, le niveau le plus élevé depuis février 2023, selon le Platts OPEC Survey de S&P Global Commodity Insights.
Perturbations et stabilité
Les acteurs politiques libyens conservent la capacité de perturber les flux de pétrole. En 2022, le seigneur de guerre de l’est, Khalifa Haftar, réduit la production à 650 000 b/j avec un blocus imposé par son Armée Nationale Libyenne. Cependant, ces derniers mois, les analystes observent une réorientation de la politique libyenne autour de Dbeiba, Haftar et Farhat Bengdara, président de la NOC (National Oil Corporation), ce qui pourrait maintenir la production pétrolière du pays et inaugurer une période de stabilité économique et politique, bien que sans parvenir à une réunification complète.
Corruption et conflits internes
Le secteur pétrolier libyen est encore en proie à des accusations de corruption et de contrebande de carburant, tandis que plusieurs processus politiques visant à organiser des élections longtemps retardées ouvrent de nouveaux fronts pour des luttes entre acteurs puissants. Des sources indiquent à Commodity Insights que la suspension de Aoun pourrait être liée à son opposition à des accords avec des compagnies pétrolières internationales, notamment le projet clé NC-7.
Projets internationaux et critiques
Le projet NC-7, qui détient 2,7 Tcf de gaz et une quantité non spécifiée de pétrole, fait l’objet de discussions entre la NOC et Eni, TotalEnergies, ADNOC et la société turque TEC. Aoun critique cet accord ainsi que les discussions sur le champ de Waha avec TotalEnergies et ConocoPhillips, arguant que les termes sont trop préférentiels et accusant la NOC de dépasser son mandat. Les conflits entre les principaux acteurs du secteur pétrolier rendent les investisseurs nerveux ces derniers mois. Aoun est remplacé par son adjoint, Khalifa Abdul Sadiq, que les analystes pensent capable de débloquer les principaux accords avec les compagnies internationales.
Réactions et perspectives
Un observateur bien placé du secteur de la sécurité déclare qu’il doute qu’Aoun puisse désormais accomplir beaucoup, en dehors des critiques habituelles, ajoutant que les relations entre Aoun et Dbeiba ne se sont pas améliorées. Le pétrole brut léger et doux de la Libye est populaire auprès des raffineurs européens. À mesure que la production et les exportations augmentent ces derniers mois, les barils libyens compétitifs surpassent les bruts comparables, y compris ceux des États-Unis et du Nigeria, sur le marché méditerranéen assoiffé.
Le retour de Mohamed Aoun en tant que ministre libyen du pétrole souligne les turbulences politiques continues en Libye. Alors que les relations entre les principaux acteurs restent tendues, la stabilité du secteur pétrolier dépendra de la capacité du pays à surmonter les conflits internes et à maintenir une production constante malgré les défis politiques.