Les tensions en Libye, pays marqué par une crise politique depuis plus d’une décennie, ont récemment entraîné la suspension de la production et des exportations pétrolières. Cette situation faisait suite à une confrontation entre les autorités de l’est et celles de l’ouest du pays autour du contrôle de la Banque centrale de Libye (BCL).
La levée de la force majeure annoncée ce jeudi par le gouvernement non reconnu de l’est libyen met fin à ce blocus. La Compagnie nationale de pétrole (National Oil Corporation, NOC) a confirmé la reprise des exportations sur l’ensemble des sites, signalant un retour à la normale après plusieurs semaines de paralysie.
Contexte de la crise
En août, le Parlement basé à Benghazi avait décidé de suspendre la production de pétrole sur les sites qu’il contrôle, représentant près de 90% de la production nationale. La mesure avait été prise pour protester contre le limogeage de Seddik el-Kebir, gouverneur de la Banque centrale, par le gouvernement de Tripoli. Ce conflit autour de la BCL, institution clé pour la gestion des recettes pétrolières du pays, a paralysé le secteur, divisant par deux la production pétrolière.
Les revenus issus des exportations pétrolières sont essentiels pour l’économie libyenne, la NOC redistribuant les recettes aux diverses administrations régionales et locales. La répartition des revenus est un enjeu majeur pour la stabilité politique du pays.
Un compromis fragile
L’accord récent, signé sous l’égide de l’ONU, a permis la nomination de Naji Issa comme gouverneur de la BCL, apaisant ainsi les tensions entre les factions rivales. Cette décision a reçu le soutien du Parlement de l’est, qui avait voté à l’unanimité pour entériner cette nomination. Les nouvelles figures dirigeantes de la BCL ont déjà entamé une prise de fonction officielle, se rendant à Tripoli pour assurer la transition.
Cependant, cet accord reste précaire. La stabilité de cette institution est cruciale pour garantir que les revenus pétroliers, principale source de richesses, bénéficient équitablement à l’ensemble du pays. Stéphanie Koury, cheffe par intérim de la Mission d’appui de l’ONU en Libye (Manul), a souligné l’importance de maintenir l’indépendance de la NOC afin d’éviter toute interférence politique future.
Perspectives de reprise économique
La reprise de la production pétrolière pourrait permettre à la Libye de revenir à son niveau de production antérieur, soit environ 1,2 million de barils par jour, selon les dernières estimations de la NOC. La crise de la BCL avait réduit ce chiffre à 600 000 barils par jour, entraînant une chute des recettes à un moment où le pays a cruellement besoin de fonds pour financer ses infrastructures et ses projets de reconstruction.
Les partenaires internationaux, dont l’ONU et les États-Unis, suivent de près la situation, appelant à une gestion transparente des ressources. Le blocus ayant pris fin, les exportations devraient reprendre depuis les principaux ports pétroliers de l’est, notamment Marsa al-Hariga et Brega.
Impact géopolitique régional
Le déblocage de la production pourrait avoir des répercussions sur le marché mondial de l’énergie, où la Libye reste un acteur important. Tout nouveau désaccord autour de la BCL ou de la gestion des ressources pétrolières pourrait à nouveau plonger le pays dans l’instabilité et créer des perturbations sur le marché mondial.
L’équilibre reste fragile, d’autant que le maréchal Khalifa Haftar, soutenu par le gouvernement de l’est, conserve un contrôle militaire sur les infrastructures stratégiques. La communauté internationale, tout en saluant l’accord sur la BCL, reste prudente face à l’évolution de la situation.